vendredi 25 août 2023

BONI ET ANNA GOULD

 Difficile d'imaginer que cet hareng saur en costume, ce dandy efféminé qui pose vaniteusement, fut à la fin du 19e siècle le célibataire le plus courtisé de France, aussi bien pour ses titres de noblesse, son esprit, sa "belle tête d'ange" (rappelez-vous que les critères esthétiques changent notablement au fil de l'histoire).

Le marquis Boni de Castellane épouse finalement Anna Gould, l'héritière la plus fortunée d'Amérique. Une fille plutôt laide et rigoriste qui n'a à priori à rien à voir avec les goûts et la vie quotidienne de son mari. Mais qui apporte avec elle une somme colossale ! Boni est alors déchaîné : son train de vie (et celui du couple) devient absolument faramineux, il continue cependant de papillonner et de dénigrer sa femme même en public (un bon mot parmi d'autres : son meilleur profil, c'est de la voir de dot). Jusqu'au jour où il sera remercié sans ménagement, éconduit avec juste un carton de vêtements. Ce n'est pas la fin pour Boni, qui va passer des années à régler ses dettes : il va devenir marchand d'art et poursuivre jusqu'à la mort ce rôle de super dandy belle époque. Ce qui fascine chez lui, c'est cet étonnant mélange de panache, de distinction, d'arrivisme. Imaginer aujourd'hui un Boni à l'ère des réseaux sociaux est assez savoureux.

Anna Gould, de son côté restera toujours une héritière assez insignifiante. Un de ses frères sera par contre à la base du développement des casinos et du tourisme à Juan Les Pins et le fondateur du Palais de la Méditerranée à Nice. Privée de toute flamboyance, petite femme austère au physique peu engageant, intelligence loin d'être raffinée, elle aura été consciencieusement ponctionnée par le train de vie de Boni, mais aura vécu avec lui la seule partie de sa vie véritablement sous les feux de la rampe. Elle avait l'argent, lui savait comment et où le dépenser. Le couple était-il si mal assorti, en fin de compte ?