Pas de vagues (de Teddy Lussi-Modeste)
Convaincu que se faire du mal, c'est aussi peut-être (au bout d'un moment) se faire du bien, je suis allé voir le 373-ème film mettant en scène un enseignant ou une communauté scolaire au cinéma, en 2024. Pas de vagues, un titre un peu facile, puisque c'est désormais le mantra officiel de la grande majorité des principaux et proviseurs de France. François Civil troque la tenue de mousquetaire pour celle beaucoup moins glamour et héroïque de prof de banlieue et il aurait mieux fait de s'abstenir. C'est qu'il est accusé par une jeune adolescente un peu paumée de comportements déplacés, comme s'il s'agissait d'un Gérard Depardieu quelconque, lâché au milieu d'un troupeau d'élèves innocentes. C'est d'autant plus absurde que le prof qu'il interprète est gay, mais ça, personne n'est censé le savoir au départ, et il n'est pas certain que ça puisse jouer en sa faveur tant dans certains quartiers, l'homosexualité et la perversion sont deux concepts qu'on associe sous forme de raccourci salafiste. En réalité, le film est intéressant lorsqu'il s'attaque à la manière dont est sanctuarisée la parole de la victime, dont la hiérarchie finit immanquablement par lâcher et abandonner en pleine campagne le professeur accusé, et lorsque celui-ci ne peut que partir en vrille, au bout d'un moment. On regrettera par contre le portrait un peu naïf que compose Civil, en endossant les habits de l'enseignant idéaliste qui s'embarque dans des projets foireux et une connivence délétère, qu'il vaut mieux toujours éviter avec des gamins de cet âge. D'autant plus qu'une fois encore, c'est le côté obscur de l'éducation qui est mis en avant : celui composé de ces établissements où plus grand monde ne souhaite travailler, peuplés d'élèves que Gabriel Attal ne tardera pas à enfermer à double tour dans ses nouvelles maisons de correction éducatives, qu'il déguise habillement en camp de vacances pour cancres volontaires. Conséquence de tout cela, on hésite entre lui dire que quelque part il l'a bien cherché et l'indignation devant cette lâcheté si réaliste, que j'ai pu moi-même toucher du doigt à plusieurs reprises dans ma carrière. Mention spéciale pour l'essentiel des gamins à l'écran, qui se comportent en effet exactement comme se comportent des collégiens à qui on n'imposerait pas un cadre strict et bien défini. En gros, si tu tournes le dos et penses devenir leur meilleur pote, attends-toi à connaître les flammes de l'enfer. Pas de vagues reste un film à voir, dérangeant, imparfait, tête à claques mais pas si bête ou grossier. Si vous souhaitez changer le monde (bonne idée) ou le sauver (terrible ingénuité), sachez qu'il existe de bien meilleures solutions, beaucoup plus efficaces, que de devenir prof; à moins que vous n'ayez déjà plus le choix, ça va de soi.