mardi 27 août 2024

INGOUVERNABLE FOREVER

 Il n'y a absolument aucune sortie de crise satisfaisante possible dans cette histoire de formation d'un nouveau gouvernement.


Le péché originel étant celui d'avoir exigé une dissolution à quelques jours du début des Jeux Olympiques, pour ensuite utiliser l'événement, afin de reporter le plus longtemps possible les effets d'un scrutin défavorable.

Mais il fallait faire vite : pour empêcher l'adversaire de rassembler ses troupes, pour punir son propre camp, pour tenter de renverser la table, comme au casino.


Sauf qu'au final il s'agit de la troisième gifle consécutive infligée à la Macronie, qui perd des dizaines de députés sur un coup de sang du Prince Immature. Depuis le souverain est disposé à toutes les alliances, sauf avec les deux partis ou camps dont le nombre de députés a sensiblement augmenté au terme des législatives, à savoir le NFP et le RN. Pour lui, le pays ne saurait être gouverné en dehors des partis désavoués par l’expression populaire, d’une coalition de perdants désespérés, de parasites de fin de régime. Alors, pourquoi avoir voté, pourriez-vous me demander ?


Tout simplement parce que notre démocratie est désormais à l'image de n'importe quelle promesse : elle n'engage que celui qui veut bien y croire. Depuis le non français au traité sur la Constitution européenne, il est clair et établi que l'expression populaire sera entendue et acceptée uniquement si elle sert les intérêts du pouvoir en place. Faute de quoi, une vaste campagne orchestrée par les pouvoirs médiatiques et politiques, et soutenue par les puissances économiques, se chargera systématiquement de confondre le réel, d'inventer un narratif permettant de justifier qu'on torde le bras au jeu démocratique.


La question n'est pas de savoir si vous êtes de gauche ou de droite. Elle est désormais bien plus grave et solennelle que cela. La manière dont nous allons sortir de cette crise nous permettra de comprendre dans quel type de régime nous vivons aujourd'hui. Il est légitime d'avoir de terribles craintes sur le sujet. La population, rassasiée de médailles et rincée aux chaînes infos en continu, se réveillera-t-elle à temps ?



vendredi 23 août 2024

BLINK TWICE (de Zoë Kravitz et E.T. Feigenbaum)

Blink twice (de Zoë Kravitz et E.T. Feigenbaum)


Si vous faites partie des gens capables de quitter la salle après trente minutes, parce que le premier quart du film ne vous a pas convaincu, il est fort probable que Blink twice ne soit pas fait pour vous. Toute la première partie ressemble davantage à une émission de téléréalité sur M6 ou W9 qu'à un long métrage qui mérite l'effort qu'on achète un billet. On y découvre de jolies créatures à la cervelle un peu vide, fascinées par le pouvoir économique d'un richissime industriel incarné par Channing Tatum, qui les invite une par une à passer des vacances paradisiaques sur son île privée, en compagnie de ses amis. Les malheureuses ne connaissent personne mais vous comme vous ne l'ignorez point, la perspective de quelques semaines de glamour extrême, de jolies tenues en cadeau et le champagne qui coule à flots, voilà des arguments susceptibles de convaincre même les plus réticentes. Et puis une fois sur place, place au farniente bling bling et au badinage incessant, l'île de la tentation sur grand écran. Mais derrière chaque plan, même le plus léché et anodin, se cache en substance le grain de sable prêt à enrayer la machine. Ce qui ne tarde pas à arriver, enfin, lorsque une des convives disparaît mystérieusement, sans que les autres potiches se rendent compte de son absence. Seule Frida, sa meilleure amie, se souvient d'elle. Le reste de la bande l'a littéralement oubliée. On bascule alors dans quelque chose de très différent, un film qui peu à peu dévoile une cruauté atroce et tout un discours sur le féminisme post-mee too, qui se révèle par moments très inspiré. Venant de ma part, ça peut paraître surprenant, pourtant une scène de "fausse excuses sincères" récitée par Tatum est assez brillante en son genre, et ce n'est pas la seule bonne idée du film, je vous assure. La conclusion lorgne elle carrément sur le "revenge movie" et prouve que la testostérone n'est pas nécessairement l'ingrédient majeur lorsqu'il s'agit de faire un carnage et d'appliquer une sentence bien méritée. Alors oui, on peut reprocher à Blink twice de ne pas être allé totalement au fond des choses et d'avoir choisi quelques raccourcis pour aboutir à l'objectif final, mais il n'empêche, cette dernière heure où tout fout le camp, cette implosion accablante, est une véritable promesse que Zoë Kravitz ne devrait probablement pas tarder à confirmer. En gros, une belle surprise que je vous recommande. Qui a bu boira, qui abuse abusera. 


 

jeudi 15 août 2024

LA MELANCOLIE (DE TAKUYA KATO)

 La mélancolie (de Takuya Katô)


Un même drame peut s'exprimer de différentes manières selon les pays, les cultures, les traditions. Watako est mariée avec un homme qu'elle n'aime probablement plus, son quotidien n'a rien d'exaltant et sa seule source de joie est son amant, avec qui elle parvient à passer régulièrement quelques jours, et qu'elle retrouve justement pour un long weekend de camping secret. Seulement voilà, lorsque vient le moment de se séparer, l'homme est renversé par une voiture et meurt sous les yeux de celle qu'il vient de quitter, quelques secondes auparavant. En Italie ou au Maghreb, ce serait le désastre à s'en arracher les cheveux, des hurlements de lycanthrope suivis d'une longue plongée post-crise dans la dépression catatonique. Au Japon, Watako n'arrive même pas appeler la police; elle ravale ses larmes et tente de reprendre sa vie quotidienne, en cachant à son mari (mais aussi à elle-même) les profondes fêlures qui sont apparues et qui font qu'elle menace de se briser à tout jamais. Film tout en retenue, La mélancolie joue même clairement dans le registre de la neurasthénie, lors de beaucoup de scènes. Il est hors de question d'afficher, de surjouer la douleur, toujours cette idée que tout doit être maîtrisé, jamais révélé aux autres, que les sentiments sont de l'ordre de l'intime et ne peuvent pas être étalés sur la place publique. Tout ceci peut sembler difficile à croire et à accepter pour nous autres occidentaux, ça n'est même pas loin d'ailleurs de ressembler à une double punition cruelle, mais c'est ainsi. Si l'on accepte ce fait et donc le rythme étrangement cotonneux du film, La mélancolie peut alors nous séduire par cette tristesse poignante et cette désolation que le long-métrage cultive en sourdine. Reste que trop souvent, entre la maîtrise de soi et l'aridité des sentiments, le spectateur se retrouve à douter de l'un et de l'autre, et attend un peu plus de vie et de lyrisme, qui n'ont que très peu de place dans le conformisme nippon, où même la mort, le deuil et la détresse existentielle sont mis sous l'éteignoir. Vous me rappelez leur taux de suicide ?



jeudi 8 août 2024

TRAP (de M. Night Shyamalan)

 Trap (de M. Night Shyamalan)


Si le cinéma de Shyamalan enseigne bien quelque chose au spectateur, c'est que les monstres existent, même s'ils ne sont pas forcément identifiables au premier regard. Le monstre peut être probablement enfoui derrière la patine de la respectabilité ou sous les normes imposées par la société… et puis, quand on gratte un peu, ou en certaines circonstances particulières, on se rend compte de l'horrible vérité, mais il est alors trop tard. Trap, c'est l'histoire d'un concert organisé sous la forme d'un piège, dans lequel est tombé "le Boucher", un tueur en série dépeceur, après lequel courent toutes les forces de police depuis des mois. Sur scène, une pseudo chanteuse pour adolescentes, The Raven, qui récupère avec intelligence tous les défauts caricaturaux de ce genre de prestation musicale (le R&B, que je qualifierais plutôt de bruits rythmés) et de phénomènes de mode. Au passage, l'artiste est incarnée par une des filles du réalisateur, car on n'est jamais aussi bien servi que par son propre arbre généalogique (je vous ai parlé ici même du premier film -banal- de l'autre fille, produit par papounet). Soyons honnêtes, cette histoire de père de famille en apparence presque parfait, qui abrite en réalité un horrible assassin traumatisé par une enfance vexatoire, apparaît par endroits aussi crédible que le bulletin quotidien permettant de savoir s'il est possible de se baigner dans la Seine. Au bout d'un moment, plus personne de sérieux n'accorde le moindre crédit aux résultats, car on sait bien que les dés sont pipés et que de toute façon, tu as payé ta place alors il va falloir plonger et faire la brasse. Oui, Shyamalian se contrefout ouvertement des spectateurs, notamment dans la dernière partie, quand le film quitte la salle de spectacle pour plonger dans la vie quotidienne des protagonistes et nous offrir une éprouvante séance de poker menteur, qui met à l'épreuve les nerfs des spectateurs, tout en titillant leur sens de l'humour, tant certaines situations sont littéralement "WTF". En fait, les intentions sont bonnes et Mister Night reste un des maîtres quand il s'agit d'instaurer le malaise et de faire durer le suspens, mais Trap ne devait probablement pas avoir d'autre vocation que celle de régler un ou deux crédits à la consommation. Les dialogues sont torchés par Chat GPT, le père et les spectateurs du concert qui passent leur temps à se balader dans les coulisses de la salle en plein show sont d'une rare absurdité. La suspension de l'incrédulité confine ici à la suspension des capacités cognitives, si on souhaite apprécier ce Piège. Mais en ces temps de canicule, ça fait du bien d'avoir la clim durant deux heures, c'est déjà ça de pris.