La mélancolie (de Takuya Katô)
Un même drame peut s'exprimer de différentes manières selon les pays, les cultures, les traditions. Watako est mariée avec un homme qu'elle n'aime probablement plus, son quotidien n'a rien d'exaltant et sa seule source de joie est son amant, avec qui elle parvient à passer régulièrement quelques jours, et qu'elle retrouve justement pour un long weekend de camping secret. Seulement voilà, lorsque vient le moment de se séparer, l'homme est renversé par une voiture et meurt sous les yeux de celle qu'il vient de quitter, quelques secondes auparavant. En Italie ou au Maghreb, ce serait le désastre à s'en arracher les cheveux, des hurlements de lycanthrope suivis d'une longue plongée post-crise dans la dépression catatonique. Au Japon, Watako n'arrive même pas appeler la police; elle ravale ses larmes et tente de reprendre sa vie quotidienne, en cachant à son mari (mais aussi à elle-même) les profondes fêlures qui sont apparues et qui font qu'elle menace de se briser à tout jamais. Film tout en retenue, La mélancolie joue même clairement dans le registre de la neurasthénie, lors de beaucoup de scènes. Il est hors de question d'afficher, de surjouer la douleur, toujours cette idée que tout doit être maîtrisé, jamais révélé aux autres, que les sentiments sont de l'ordre de l'intime et ne peuvent pas être étalés sur la place publique. Tout ceci peut sembler difficile à croire et à accepter pour nous autres occidentaux, ça n'est même pas loin d'ailleurs de ressembler à une double punition cruelle, mais c'est ainsi. Si l'on accepte ce fait et donc le rythme étrangement cotonneux du film, La mélancolie peut alors nous séduire par cette tristesse poignante et cette désolation que le long-métrage cultive en sourdine. Reste que trop souvent, entre la maîtrise de soi et l'aridité des sentiments, le spectateur se retrouve à douter de l'un et de l'autre, et attend un peu plus de vie et de lyrisme, qui n'ont que très peu de place dans le conformisme nippon, où même la mort, le deuil et la détresse existentielle sont mis sous l'éteignoir. Vous me rappelez leur taux de suicide ?
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