mercredi 21 décembre 2022

MYLÈNE FARMER : L'EMPRISE

 🎧 Mylène Farmer : L'Emprise (2022)

Vous ne rêvez pas. Et pourtant, voir Mylène Farmer mentionnée ici, c'est un peu comme découvrir Christian Clavier en couverture des Cahiers du Cinéma. Voici donc une artiste qui est devenue célèbre durant mes années collège et lycée, à une époque assez trouble où il n'y avait que deux sortes de public autour de moi, pour investir dans ses premiers albums (et les copier illégalement sur des cassettes 60mns BASF, l'arme pré Hadopi). L'ado mal dans sa peau à tendance suicidaire gothique, le corbeau du dernier rang qui fréquentait régulièrement l'infirmerie dès que le cours d'EPS était annoncé, et l'ado secrètement gay, qui n'osait pas encore explorer sa sensibilité, il est vrai dans une société qui n'avait toujours pas adopté le pronom 'iel' et l'écriture inclusive. Lui/elle était dispensé.e pour les cours d'EPS. Pour tous les autres (Metallica et U2, rock'n roll baby), Mylène Farmer n'était que prétexte à quolibets, railleries, voire brimades, malgré l'indéniable qualité d'albums comme "Ainsi soit je" en 1988 et un duo aussi vénéneux que capiteux avec Jean-Louis Murat (Regrets). La recette était alors toujours plus ou moins la même, à savoir un spleen sirupeux étalé sur des arrangements aux petits oignons, une voix étranglée, au bord de la rupture, une esthétique qui vira rapidement au porno chic. Sur ce dernier point, je suis client, forcément. Mais je m'égare. Si une certaine partie de la critique parisienne, qui sait tout et décide de tout, a définitivement banni Mylène Farmer de ce qui peut-être écoutable et défendable, j'ai toujours été beaucoup plus clément, voire même j'ai sincèrement apprécié nombre de titres, jusqu'au début des années 1990. Par la suite, ça c'est compliqué tant  l'évolution de l'artiste ressemble à une chute libre sans élastique, avant de s'écraser inévitablement dans les torrents desséchés de la création musicale. On se retrouve depuis avec d'ignobles morceaux de dance music ou de pop mortifère pour les diabétiques, ânonnés en mode "pilotage automatique". Désormais, j'accueille chaque nouvel album avec une indifférence quasi complète, certain de ne plus retrouver ce qui pouvait autrefois m'inciter à tant de clémence. Le dernier album en date (L'Emprise) est annoncé par la conclusion lamentable d'une relation sentimentale déviante, la pauvre Mylène s'étant épanchée dans la presse de ses années de vie commune avec un pervers narcissique. L'expression est très à la mode, et permet de dédouaner ces dames qui sont forcément, toujours et à jamais, les victimes de compagnons qui les vampirisent. La perverse narcissique elle n'existe pas, il suffit de lire les pages édifiantes de Fémina, Marie-Claire ou Psychologie Magazine pour s'en convaincre. 

Et alors, tout ça pour quoi? Pour vous dire que Woodkid a fait un quasi miracle. Que l'Emprise est ce que Mylène a fait de mieux depuis les années 1990 et ses clips en tenue SM. Que le romantisme qui suinte de chaque titre reste bon marché, mais les arrangements, l'atmosphère du disque, en font dans son genre un album fréquentable. Bref, je suis surpris. Pour un peu, je me croirais revenu sur les bancs d'Henri Martin, classe de première A2.



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