Ce n'est pas toujours simple de s'avancer crânement dans l'assemblée et de revendiquer un amour, voire une passion, pour la bonne vieille synth-pop gonflée aux claviers vintage et analogiques. Pas sérieux, pas assez viril, pas assez authentique. Il n'y a pas la sueur et la rage du rock'n roll, ni même l'hédonisme branché de la french touch ou l'esprit caillera du rap. Juste des ritournelles douces amères, qu'on peut souvent jouer avec un ou deux doigts en suivant un tuto sur Youtube, le tout sur fond d'improbables permanentes peroxydées ou d'androgynes en strass et paillettes. De la musique de tapette, à vouloir être vulgaire. Alisson Goldfrapp s'en contrefiche depuis toujours. Face à toutes ces gamines qui michetonnent dans le territoire de la pop moderne (Taylor Swift, qui vend des tonnes de disques dont personne n'est en mesure de fredonner le moindre air, un mystère fascinant), elle revendique sa position dominante, celle de la queen du trottoir, qui fait toujours tourner les têtes des bons clients, de ceux qui savent. Alison, le prénom est d'importance, car il s'agit ici de son second album "en solo", même si la diablesse est bien aidée, voire clairement guidée, par la science de l'enregistrement de Richard X. Sa voix brumeuse flotte au-dessus d'un océan électro-pop, légère comme une bulle de savon : séduisante, évanescente, reconnaissable entre mille. On se laisse ainsi porter dans une apesanteur délicieuse, avec un début de disque en fanfare, tant les quatre premiers titres ressemblent à des évidences imparables, à du Erasure sous E.P.O. pour gravir les sommets les plus inaccessibles, sans même se mettre en danseuse sur la bicyclette. Flux se veut globalement caressant et rassurant : un soupçon de science-fiction pastel et de bons sentiments, et des bombes pop comme Hey Hi Hello, qui attrape Softcell par la peau des fesses et renvoie les impétrants au musée des vieilleries. Reverberotic est non seulement efficace mais très malin, dans sa façon d'ajouter une ritournelle syncopée à sa nature pop intrinsèque. Sound & Light s’ouvre sur un grondement de basse qui annonce du très lourd, tandis qu’Alison livre une prestation vocale glaciale et parfaitement maîtrisée. De l'énergie pétillante pour alimenter une petite centrale nucléaire. Avec Strange Things, le tempo ralentit pour la première fois, sans que la chute dans l'intensité ne fasse tomber les premières paupières. UltraSky s’écarte quelque peu de la trajectoire de l'album et privilégie les textures sonores plutôt que la mélodie. La production, somptueuse, confie aux cordes le rôle central de fil mélodique. Quant à Find Xanadu, rien de bien surprenant de constater qu'il s'agit d'un tube à l'accroche facile et immédiate, du Golfrapp pur jus, n'en déplaise à Will Gregory laissé sur la touche. Les arrangements permettent de maintenir la qualité globale du reste à un niveau assez élevé, jusqu'à la conclusion que représente Magma, servie avec une salade de voix célestes et de synthés planants, construit sur un effet de répétition hypnotique, voire liturgique. Flux donnerait presque ses lettres de noblesse à l'adjectif putassier. Tu montes, chéri ? Droit dans les yeux, sans rougir. On n'est pas là pour réinventer la musique ou refaire le monde, juste pour écouter un excellent album de synth pop, cette musique qui n'en serait pas, pour beaucoup, mais sans qui bien d'autres n'en seraient pas là (à commencer par moi et tous les autres qui ont grandi dancing with tears in their eyes).

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