vendredi 17 mai 2024

LE DEUXIÈME ACTE (de Quentin Dupieux)

 Le deuxième acte (de Quentin Dupieux)


Et voici déjà venir le 13e film de Quentin Dupieux, qui réalise à la vitesse de l'éclair et se permet même de faire l'ouverture du Festival de Cannes, avec "Le deuxième acte", hors-compétition toutefois. Ce coup-ci, Mr. Oizo nous propose une mise en abyme du monde du septième art, avec quatre vedettes connues de tous : Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel et la new entry (pour les spectateurs, pas chez le réalisateur) Raphaël Quenard, qui a pris une dimension exceptionnelle en 3 ans. Il s'agit d'un film dans le film, c'est-à-dire que ce que nous voyons à l'écran est en fait le tournage d'un long métrage, le premier officiellement et intégralement réalisé par l'intelligence artificielle. Les acteurs sont censés interpréter des interprètes qui dérapent au beau milieu de scènes qu'il devraient normalement jouer. Je ne sais pas si jusqu'ici, vous me suivez. Ce qui est une banale histoire sentimentale devient rapidement l'occasion de brocarder la cancel culture et toutes les problématiques éthiques et professionnelles qui traversent la profession. Un film très péripatéticien dans sa première partie puisque on y devise en mouvement, saisi par une caméra qui accompagne les remarques et les déambulations de deux duos (Quenard/Garrel et Lindon/Seydoux), ce qui permet à la fois d'expliquer au spectateur les enjeux de l'ensemble tout en balançant un nombre incalculable de punchlines et de petites piques qui font mouche. Je ne ferai pas durer le suspense, j'ai réellement apprécié ce "deuxième acte", comme par ailleurs j'ai systématiquement aimé tous les derniers films de Dupieux, qui est parvenu, au fil du temps, à trouver la quadrature du cercle sans renoncer à l'absurdité et au surréalisme de son cinéma, qui l'ont rendu célèbre. Il a réussi peu à peu à dégager de réelles intrigues, même si toujours traversées par des préoccupations esthétiques et cinématographiques assez insolites; désormais, on peut vraiment se poiler et parler de cinéma presque abordable par tout le monde. Pour autant, sans tomber dans le compromis, sans aguicher bêtement le quidam. "Le deuxième acte" se permet même le luxe de monter en puissance progressivement et n'ennuie jamais, pas une seule seconde, même si on y parle beaucoup et que la parole en constitue le ressort fondamental. On serait bien bête de prendre le cinéma trop au sérieux et Quentin Dupieux l'a bien compris (ses acteurs se moquent par ailleurs de leurs propres défauts et les caricaturent avec plaisir, comme les tics de Lindon ou les pleurs systématiques de Seydoux). Un sourire désinvolte et ironique qui cache, c'est paradoxal, un réel savoir-faire couplé à de vrais ambitions.



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