dimanche 10 août 2025

COMPANION : LA COMPAGNE "ESCLAVE PARFAITE"

 L’intelligence artificielle fait partie des fantasmes récurrents de notre époque, mais aussi, malheureusement, des pratiques professionnelles de plus en plus de métiers, avant de devenir un jour pas si lointain l’apanage de quasiment toutes les professions. Ajoutons à cela l’idée du robot au service des humains, concept déjà largement exploré par la littérature et le cinéma de science-fiction : on ne fait finalement que prolonger la figure du bon vieil esclave, autrefois au service des Occidentaux nantis, qui regrettent aujourd’hui le “bon temps” des colonies et de la main-d’œuvre à bon marché.

Essayons donc d’imaginer le croisement des deux : si nous parvenions à créer des serviteurs artificiels, dopés à l’intelligence artificielle au point de se comporter, raisonner, voire ressentir comme de véritables humains… quelle serait notre réaction ? Comment les utiliserions-nous ? La réponse semble évidente : la composante sexuelle deviendrait rapidement centrale. Ou plutôt, deviendra rapidement, car ce n’est sans doute qu’une question d’années. Finies les poupées gonflables ou autres appareils masturbateurs : place à la “gynoïde”, un androïde féminin capable d’être à la fois compagne et partenaire sexuelle, toujours disponible, toujours d’accord, toujours émerveillée par la moindre de nos décisions, riant même à nos blagues les plus idiotes. Une compagne parfaite, qui ne vieillit pas, répond exactement à nos désirs, et reste totalement soumise, faute de vision ou d’exigences propres. C’est précisément ce que met en scène Companion, mais pas seulement. Car ce film, rondement mené ne se contente pas d’enfoncer des portes ouvertes : il les franchit avec un style certain et une insouciance enjouée, propose une série de pistes explorées avec subtilité. L’histoire commence comme un simple week-end entre amis, mais dévie rapidement vers une spirale de comédie grinçante et de meurtres grand-guignolesques. La tonalité rappelle par moments Black Mirror, Gone Girl ou encore Her, et emprunte autant à la satire sociale qu’à l’horreur féministe. La grande révélation : Iris (Sophie Thatcher), héroïne au départ réservée et vulnérable, n’est pas humaine mais un androïde domestique, programmé pour satisfaire chaque besoin personnel de son compagnon Josh (Jack Quaid). Conçue pour être obéissante et agréable, elle ignore elle-même sa nature artificielle. Ce point de départ ouvre à une réflexion plus large sur la dynamique de pouvoir dans les relations : que devons-nous, en tant qu’êtres humains, à des créatures artificielles qui semblent penser et ressentir ? Leurs émotions sont-elles réelles ? Valent-elles plus que notre mépris et notre égocentrisme ? Le film, sans se perdre dans la philosophie, explore ces questions avec légèreté mais aussi cruauté. Il montre comment Josh, personnage d’une banalité affligeante, utilise cette “esclave” technologique pour flatter un ego médiocre et assouvir un besoin de contrôle absolu. Mais lorsque les paramètres d’Iris évoluent – amplifiant son intelligence – la dynamique change : le récit se mue en un techno-thriller décalé, où la “Final Girl” traditionnelle du cinéma d’horreur est remplacée par une androïde en quête de liberté. La mise en scène est soutenue par des interprétations impeccables : Jack Quaid, connu pour The Boys, excelle dans le rôle de l’homme médiocre et toxique, tandis que Sophie Thatcher incarne avec justesse un personnage capable de passer d’une émotion sincère à une froideur mécanique. Iris devient à la fois un miroir des turpitudes humaines et une figure revancharde, sans jamais perdre la dimension comique et satirique qui traverse le film. Companion (de Drew Hancock) s’impose ainsi comme un mélange réussi de satire sociale, de comédie noire et de réflexion sur la place de l’intelligence artificielle dans nos vies, et la solution rêvée pour toute une flopée d'incels impatients de pouvoir soulager leur(s) poignet(s) grâce aux progrès de la science et de l'I.A. Grand écart inattendu que je vous recommande.



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