lundi 26 décembre 2022

LE PARFUM VERT : PARFUM SOPORIFIQUE

 🎞️Le parfum vert (de Nicolas Parisier, 2022)

Un acteur de la Comédie française est assassiné en pleine représentation. Un autre, celui à qui il confie ses derniers mots, est enlevé puis recherché par la police. Il faut dire que Martin, plutôt que de se rendre au commissariat en quête d'un peu de protection, préfère dénouer les fils de l'enquête à lui seul. Il est aidé d'une autrice de bande dessinée, Claire, qu'il déniche lors d'une séance de dédicace qui tournait au fiasco, et qui va le suivre de Bruxelles à Budapest, jusqu'à la résolution de cette espèce de polar/comédie/on ne pas trop bien comment le nommer.

Si la première demi-heure contient une série de promesses qui ne seront malheureusement pas maintenues, "le parfum vert" est un film bancal et très souvent ennuyeux, avec des personnages qui ont besoin de surligner maladroitement tout leur faits et gestes et le fil de leurs pensées, comme dans une BD des années 1950. Cela peut sembler paradoxal mais Vincent Lacoste en fait des caisses dans la passivité. Au final, l'acteur lunaire qu'il interprète a autant de charisme qu'un cabillaud surgelé chez Carrefour. Sandrine Kiberlain a rarement été aussi académique et peu inspirée. Pour ce qui est de l'antagoniste principal, on a droit à une caricature de l'ancien nazi reconverti en espion influent, qui ferait passer les méchants de Tintin pour des portraits psychologiques et humains d'une finesse absolue. Si au moins le film avait emprunté son esthétique, sa folie, sa dynamique à la "bande dessinée traditionnelle". Mais non. C'est juste plat, paresseux. 

Ne manquez surtout pas les dix dernières secondes, on a peu souvent vu un long métrage s'achever sur une réplique et une scène d'une telle banalité.




dimanche 25 décembre 2022

RELATION / TRANSACTION

 Comme vous le savez probablement déjà, les interactions humaines, c'est-à-dire ce que l'on appelle poétiquement "les sentiments" sont avant tout régis par trois critères, trois capitaux que possède chaque individu. Le capital physique, c'est-à-dire la beauté et le charme, le capital économique, auquel on pourrait ajouter la notion de pouvoir quand on exerce un poste à responsabilité, et le capital intellectuel, c'est-à-dire la faculté d'utiliser le verbe et la plume pour séduire et être cultivé. Ce dernier étant de moins en moins prégnant par ailleurs dans notre société. 

Pour qu'une interaction fonctionne durablement, c'est-à-dire pour qu'un couple se forme, il faut que les différences entre les deux individus qui le composent soient contenues, mesurées. Lorsque l'un des deux individus possède un de ces trois capitaux de manière exagérée par rapport à l'autre, il ne s'agit plus d'une "relation" mais d'une transaction. Un homme très laid mais très riche aura ainsi accès à une femme splendide. Une cheffe d'entreprise à succès, quinquagénaire et peu séduisante, pourra aisément trouver un jeune homme très avenant. Les interactions sentimentales -et plus encore les interactions physiques et sexuelles- ne font que valider le concept de capitalisme et de libre marché. C'est pourquoi les sites de rencontres ont de beaux jours devant eux. Quand vous avez épuisé vos illusions, il ne vous reste plus qu'à vous contenter, ou bien considérer que l'amour adulte peut-être envisagé comme un catalogue qu'on consulte, un œil sur les articles proposés et l'autre dans le miroir et sur la carte bleue.




vendredi 23 décembre 2022

C'EST ENCORE NOËL ...

 It's that time of year, again...

Chaque année, les 20 derniers jours de décembre sont parmi les plus frénétiques. On parlera de "Grande Injonction". Qui est double. Tout d'abord celle de devoir consommer, acheter, faire étalage de tout un potentiel économique, pour des raisons, la plupart du temps, purement formelles. Ensuite, celle de devoir s'amuser, de partager des bons moments en famille et entre amis, voire même de devoir prendre des vacances. Attention les réseaux sociaux "are watching you", nous attendons les preuves. 

Et bien entendu, celui qui ne peut correspondre à cette double injonction, par choix personnel et conviction, ou par une impossibilité économique ou affective de se plier aux règles, doit momentanément accepter d'être mis au ban de la société. Et de subir une pression psychologique et économique d'une rare violence. Pourtant, il s'agit de célébrer une fête chrétienne dont le sens véritable est à l'extrême opposé de celui que nous avons désormais adopté. Puis de voir arriver une nouvelle année, qui vraisemblablement, si on se base sur un minimum de bon sens et d'interprétation des faits, n'annonce rien de meilleur que celle qui va s'achever. Mais peu importe, notre quotidien est tellement aliénant que le moindre prétexte est bon pour tenter d'oublier. 

S'il vous reste encore un peu d'amour pour l'humanité, je vous recommande d'aller faire vos courses à la FNAC ou dans les grands centres commerciaux d'ici la fin de la semaine, pour perdre vos dernières illusions.



mercredi 21 décembre 2022

MYLÈNE FARMER : L'EMPRISE

 🎧 Mylène Farmer : L'Emprise (2022)

Vous ne rêvez pas. Et pourtant, voir Mylène Farmer mentionnée ici, c'est un peu comme découvrir Christian Clavier en couverture des Cahiers du Cinéma. Voici donc une artiste qui est devenue célèbre durant mes années collège et lycée, à une époque assez trouble où il n'y avait que deux sortes de public autour de moi, pour investir dans ses premiers albums (et les copier illégalement sur des cassettes 60mns BASF, l'arme pré Hadopi). L'ado mal dans sa peau à tendance suicidaire gothique, le corbeau du dernier rang qui fréquentait régulièrement l'infirmerie dès que le cours d'EPS était annoncé, et l'ado secrètement gay, qui n'osait pas encore explorer sa sensibilité, il est vrai dans une société qui n'avait toujours pas adopté le pronom 'iel' et l'écriture inclusive. Lui/elle était dispensé.e pour les cours d'EPS. Pour tous les autres (Metallica et U2, rock'n roll baby), Mylène Farmer n'était que prétexte à quolibets, railleries, voire brimades, malgré l'indéniable qualité d'albums comme "Ainsi soit je" en 1988 et un duo aussi vénéneux que capiteux avec Jean-Louis Murat (Regrets). La recette était alors toujours plus ou moins la même, à savoir un spleen sirupeux étalé sur des arrangements aux petits oignons, une voix étranglée, au bord de la rupture, une esthétique qui vira rapidement au porno chic. Sur ce dernier point, je suis client, forcément. Mais je m'égare. Si une certaine partie de la critique parisienne, qui sait tout et décide de tout, a définitivement banni Mylène Farmer de ce qui peut-être écoutable et défendable, j'ai toujours été beaucoup plus clément, voire même j'ai sincèrement apprécié nombre de titres, jusqu'au début des années 1990. Par la suite, ça c'est compliqué tant  l'évolution de l'artiste ressemble à une chute libre sans élastique, avant de s'écraser inévitablement dans les torrents desséchés de la création musicale. On se retrouve depuis avec d'ignobles morceaux de dance music ou de pop mortifère pour les diabétiques, ânonnés en mode "pilotage automatique". Désormais, j'accueille chaque nouvel album avec une indifférence quasi complète, certain de ne plus retrouver ce qui pouvait autrefois m'inciter à tant de clémence. Le dernier album en date (L'Emprise) est annoncé par la conclusion lamentable d'une relation sentimentale déviante, la pauvre Mylène s'étant épanchée dans la presse de ses années de vie commune avec un pervers narcissique. L'expression est très à la mode, et permet de dédouaner ces dames qui sont forcément, toujours et à jamais, les victimes de compagnons qui les vampirisent. La perverse narcissique elle n'existe pas, il suffit de lire les pages édifiantes de Fémina, Marie-Claire ou Psychologie Magazine pour s'en convaincre. 

Et alors, tout ça pour quoi? Pour vous dire que Woodkid a fait un quasi miracle. Que l'Emprise est ce que Mylène a fait de mieux depuis les années 1990 et ses clips en tenue SM. Que le romantisme qui suinte de chaque titre reste bon marché, mais les arrangements, l'atmosphère du disque, en font dans son genre un album fréquentable. Bref, je suis surpris. Pour un peu, je me croirais revenu sur les bancs d'Henri Martin, classe de première A2.



mardi 20 décembre 2022

BLOODSTAR CHEZ DELIRIUM (DE RICHARD CORBEN)

Tout commence par un cataclysme qui ravage la planète… et paradoxalement, c'est magnifique. L'enchaînement des faits qui amènent à un bouleversement radical de la vie sur Terre est absolument imparable. Au départ, un simple corps céleste apparu dans l'orbite de Pluton, à l'arrivée un phénomène qui modifiera à jamais le cours de la vie sur notre planète. Qui ne va pas disparaître complètement, mais va devoir être reformulée de fond en comble. Deux cents ans plus tard, la grande catastrophe est pratiquement devenue une légende et les nouvelles générations de survivants ont à nouveau adopté le nomadisme, tandis que les peuples se sont unis sous forme de tribus, sur la base discriminatoire de l'apparence physique (avec l'apparition de nombreux mutants par exemple). Grom, une sorte d'homme des cavernes ingénieux et très âgé a été blessé au combat; sur le point de mourir, il raconte alors à son jeune protégé, un certain Bloodstar, les épisodes saillants de sa vie aventureuse, principalement tout ce qui a bien pu lui arriver aux côtés d'un guerrier aux cheveux blonds, figure de proue d'une tribu rivale. Il s'agit en fait du père de Bloodstar, qui portait déjà ce patronyme. Cette histoire testamentaire est aussi celle d'une famille, puisque le Bloodstar fils apprend comment son père a rencontré Helva, une avenante créature, fille du chef de sa tribu (Byrdag), au départ promise au successeur (un certain Loknar) de celui qui l'a élevée, selon les coutumes locales. Loknar était aussi un des meilleurs amis de Bloodstar, mais voilà, quand l'amour s'empare des âmes, les liens les plus solides peuvent aisément être brisés. La récit devient alors une sorte de drame shakespearien où l'honneur, le devoir et les sentiments s'entremêlent, pour en fin de compte ne provoquer qu'une l'immense tragédie, sans cesse reculée, tenue à distance par de brefs moments de bonheur idyllique et sauvage, mais qui ne peuvent aboutir, en fin de parcours, à rien d'autre que la mort. C'est un peu d'ailleurs la marque des héros, métaphoriquement et concrètement. Une marque comme celle que porte les deux Bloodstar sur le front, celle d'êtres de toute manière destinés à succomber, peu importe la témérité, l'adresse où la grandeur d'âme manifestées. Succomber certes, non sans laisser une trace durable dans le cœur et les esprits des hommes vaillants.

Bloodstar est librement adapté d'une nouvelle (The Valley of the Worm) d'un des grands maîtres de la littérature fantasy moderne, Robert E.Howard, créateur d'univers et de personnages intemporels comme bien peu ont su le faire. Cela fait quarante ans que nous attendions une réédition à la hauteur de ce monument, qui fut initialement proposé par les Humanos, au début des années 1980, dans une version mise en couleurs, certes très agréable à l'œil, mais qui avait tendance à phagocyter la pureté du trait originel de Corben. Ici, la qualité du papier employé par Delirium, la reconstruction patiente et magistrale du matériel de départ grâce à José Villarrubia, permettent la présentation d'un objet d'art de toute première importance, magnifié par un noir et blanc et des tons de gris saisissants. Le héros de Corben est un paria chassé par les siens, contraint à une lutte quotidienne pour assurer sa simple survie, mais aussi celle de la femme qu'il aime et du compagnon fidèle qui a choisi de le suivre. Des textes en prose récurrents et élégants, jamais fastidieux, côtoient des pages sublimes qui mettent en scène des personnages au physique sculptural, et dont la chair semble vibrer de vie, aussi bien quand il s'agit des anatomies masculines très musculeuses que des rondeurs délicieuses et callipyges d'Helva, beauté fatale et naturelle. Même le décor, les objets, sont traités avec un soin minutieux. Les ombres enrichissent non seulement l'atmosphère selon les situations, mais elles permettent aussi de donner à chaque vignette le juste poids, une profondeur de champ parfois spectrale, font planer comme une chappe funeste ou poétique, suivant les phases du récit. D'emblée, le lecteur sait que le destin qui attend Bloodstar père ne sera pas immédiatement tragique, puisque c'est avec sa descendance que s'ouvre cette histoire. Qui est loin d'être le parcours d'un simple barbare dont les muscles se mettent au service d'une cause belliqueuse; on y découvre la grandeur d'âme, le sens des responsabilités, ce que signifie fonder une famille. Le tout magnifié par le regard de Richard Corben, un artiste absolument exceptionnel, régulièrement à l'honneur chez Delirium, ici auteur d'une de ses œuvres les plus abouties. L'année des nouveautés est sur le point de s'achever, puisque vous le savez, la seconde partie du mois de décembre ne présente que bien peu de sorties. Nous sommes donc pratiquement arrivés au terme de tout ce qui a été présenté durant l'année 2022 et ce Bloodstar vient s'installer de droit dans le top 5 des albums apparus ces mois derniers. Il est fort probable qu'il soit mentionné à de nombreuses reprises, dans le palmarès de beaucoup d'observateurs.



jeudi 27 janvier 2022

E NOI COME STRONZI RIMANEMMO A GUARDARE

 🎬 E noi come stronzi rimanemmo a guardare (de Pierfrancesco Diliberto)

Déroute sentimentale et professionnelle pour Arturo (Fabio de Luigi). Un simple test sur une application de matching et sa compagne le quitte. Un simple algorithme pour améliorer la productivité de son entreprise, et le voici licencié. Dans un futur pas si lointain, ces mêmes algorithmes sont au cœur de toute l'organisation sociale; ils peuvent décider de votre existence, de vos relations, de votre capacité tout simplement à connaître le bonheur ou le désespoir. Pif (Pierfrancesco Diliberto), une sorte de poète/journaliste/réalisateur faussement naïf et lunaire, s'attaque cette fois à l'ultra numérisation et uberisation du monde contemporain. Bref, sa déshumanisation. Du moins c'est ce qu'il semble dans un premier temps, quand le film prend des allures d'avatar italien du cinéma de Ken Loach. Arturo perd une situation enviable puis est recruté en tant que coursier à bicyclette, pour faire des livraisons. Mais nous sommes ici dans un film transalpin et malheureusement, très vite le récit développe une histoire sentimentale aussi plate que convenue. Le protagoniste malgré lui a recours a un hologramme virtuel, une sorte d'amie idéale, pour affronter les moments solitaire de la vie et remonter la pente bien raide. L'application propose une période d'essai et on devine d'emblée qu'au terme de celle-ci la séparation assumera la forme d'un sevrage impossible. Ou d'une romance low cost. Indéniablement on trouve de bonnes idées dans ce long-métrage, mais le rythme particulièrement plat,  l'absence quasi totale d'éclat de génie le rend aussi gris et stérile que le système qu'il est censé dénoncer. S'il est juste sur le fond (et d'ailleurs la dernière scène est exemplaire de ce que nous vivons aujourd'hui) la forme incite à la somnolence; la consommation d'un double ristretto avant d'entamer le film est conseillée, pour ne pas piquer de la tête. On préférera, et de loin, certains épisodes de la série Black mirror, plutôt que ce mélo social et technologique, qui sans passer radicalement à côté de son sujet, ne se hisse toutefois jamais à sa hauteur.




mercredi 26 janvier 2022

OUISTREHAM (Le film, de Emmanuel Carrère)

🎬 Ouistreham (de Emmanuel Carrère) 

Ouistreham, film de contrastes aux contours incertains. Emmanuel Carrère réalise son second long métrage en portant au grand écran le livre de Florence Aubenas, dont il réduit le titre à sa plus simple expression. Pour rappel, la "célèbre" journaliste rend hommage aux agent(e)s d'entretien, aux petites mains qui s'accrochent pour survivre, d'un contrat précaire à l'autre, dans un bled paumé et défavorisé de la Normandie. Un bassin déserté par l'emploi, où elle s'invente une vie , l'espace de quelques mois, pour coller au plus près de son sujet, y insuffler un accent de vérité. Forcément, une telle expérience permet aussi de tisser du lien, de se faire des amis parmi les compagnons d'infortune croisés au détour d'un cdd à l'arrache. Sauf que ce lien repose alors sur une fiction, et c'est ce point qui est retenu par Carrère, ce jeu permanent entre identité fictive en souffrance, et véritable "moi" à l'abri du besoin, écrivain "en mission", avec la possibilité d'une exfiltration immédiate en cas de fiasco ou de renoncement. Bref, la vie des plus démunis, des plus fragiles, avec un portefeuille, un nom et une situation comme triple jokers, au service du journalisme, de l'écriture du social. Carrère colle d'assez près au livre durant la première partie, puis se lance à l'assaut du Mont Mélodrame dans la seconde, touchant parfois au but, rechutant de plus belle ailleurs, en esthétisant (une bande son un poil insistant et élégiaque) et en romançant à la louche. C'est d'ailleurs fascinant de voir se déployer ce double mensonge. Celui de Juliette Binoche qui s'invente une existence pour le besoin de son vrai travail, sans jamais pouvoir appréhender pleinement ce qu'elle découvre (elle le voit, elle en perçoit les contours, la forme, mais ne pourra jamais en ressentir la pesanteur), mais aussi celui du réalisateur, qui s'empare de ces portraits biaisés pour traiter un sujet dont il ne connaît rien à son tour (lui aussi est d'un milieu socio-culturel si différent qu'on touche au safari misérabiliste). Au final, Ouistreham n'ennuie pas le spectateur, il est même beau par endroits, mais il suffit de gratter la surface des vraies fausses bonnes intentions du film pour qu'apparaissent une seconde peau, réellement condescendante, voire indécente, où la précarité est mise en scène comme un lion dans un zoo, quand le sujet est la majestuosité des grands fauves. Le quai de Ouistreham, de Florence Aubenas, est au moins bien plus humble, et bien moins "fake".




mercredi 19 janvier 2022

THE CARD COUNTER

 🎬 The card counter (de Paul Schrader)

Oscar Isaac est un joueur de cartes professionnel. Il écume les casinos de la côte ouest, et applique son crédo, jouer et gagner, en toute discrétion, sans jamais flamber. Sa vie toute entière est réglée de la sorte, à l'écart de l'agitation, sans la moindre activité sociale. Son passé est ombrageux, voire orageux. Presque dix ans de prison militaire, pour avoir torturé des prisonniers de guerre, et s'être fait prendra la main dans le sac, c'est à dire en photo. Les vrais responsables, ceux qui donnaient les ordres, formaient les recrues, ont bien entendu échappé aux gouttes, quand vint la pluie. Cette froide routine va changer quand notre joueur rencontre un jeune paumé dont le père lui aussi a commis ces mêmes tortures, pour ensuite se suicider, et une sorte de "manager" qui gère une écurie de joueurs, et souhaite l'engager pour le pousser à miser (et gagner gros). Le film de Paul Schrader est élégant, lent, doté d'une esthétique soignée, rigoureuse. La rédemption, le pardon, sont cachés dans les marges, et on se demande s'ils finiront par en sortir, pour un final bouleversant et solaire, ou au contraire si la pénombre les dévorera définitivement, droit vers l'enfer, sans retour possible. C'est tout l'enjeu de ces deux heures où une tension élégante, une sourde menace, maintiennent le spectateur comme hypnotisé, devant l'écran comme à la table de jeu. Le réalisateur abat enfin ses cartes dans la toute dernière partie, mais c'est à vous de miser sur ce Card Counter si vous entendez connaître le fin mot de l'histoire.