Le colibri, ce minuscule oiseau hyperactif, est capable de faire du surplace et, pour ne rien gâcher, de voler à reculons grâce à une quantité aberrante de battements d'ailes à la minute. Une merveille de la nature, certes, mais globalement assez idiot. Sérieusement, un volatile qui se démène comme un animateur de Cnews dopé à la cocaïne, juste pour rester en l’air, c’est une drôle de stratégie évolutive. Maintenant, imaginez Pierfrancesco Favino, ce monument de prestance qu’on verrait plutôt déguisé en manchot élégant sur une banquise, dans le rôle d’un… colibri. Vous visualisez ? C’est hilarant, non ?
Dans ce film, Favino incarne un médecin passablement mollasson, à mi-chemin entre la couille molle et l’âme torturée, et on nous déroule toute sa vie sous nos yeux. De son enfance où il était un gamin malingre jusqu’à ses derniers instants (dignes, touchants, mais pas franchement réjouissants). Le spectateur, quant à lui, est chargé de jouer à l’apprenti détective, car le film adore sauter joyeusement d’une époque à l’autre, entre flashbacks intempestifs et bonds dans le futur. Une gymnastique mentale obligatoire pour reconstituer ce puzzle temporel. Et, une fois qu’on commence à comprendre qui est qui, et surtout quand on est, le film se met enfin à révéler une profondeur insoupçonnée. On y explore des thématiques universelles et grinçantes : est-il héroïque ou tout simplement lâche de sacrifier son bonheur pour épargner la souffrance aux autres ? Entre amour et égoïsme, faut-il choisir ? Et si oui, lequel a le meilleur goût ? Le Colibri nous balance une vérité implacable : peu importe combien d’ailes vous battrez, combien de fois vous stagnerez ou reculerez pour "mieux avancer", la fin reste la même pour tout le monde. Le point final est inévitable. Mais avant ça, il y a la vie. Celle qu’on vit ou qu’on laisse filer en se demandant quelle est la meilleure manière de sortir de scène – alors même que toutes les répliques n’ont pas encore été jouées. Le film, parfois fragmenté et chaotique (comme la vie, tiens), flirte avec l'insignifiance, mais c'est précisément là qu'il devient universel. Entre drames, joies, peines, échecs ou triomphes, tout fait partie du menu. Inutile de trier votre assiette avec le bout de la fourchette pour ne garder que ce qui semble comestible : il faudra tout avaler, jusqu’à la dernière bouchée.