🎬 L'Abbé Pierre - Une vie de combats (de Frédéric Tellier)
Une fois n'est pas coutume, je n'ai guère envie de faire de l'humour ou donner dans le second degré à outrance. Pourtant, il y aurait tout un tas de bons mots à exploiter avec ce film qui ressemble par moments à une véritable hagiographie d'Henri Grouès, celui que tout le monde connaît mieux sous le pseudonyme de l'Abbé Pierre. Rejeté par les Capucins, combattant dans l'armée durant la seconde guerre mondiale, initiateur d'une incroyable croisade contre la misère, incarnation de la France qu'on n'écoute pas et qu'on ne voit pas durant le terrible hiver 1954, le personnage est fascinant. C'est même, serait-on tenté de dire, un héros de cinéma dans la vie réelle. Benjamin Lavernhe est un Abbé remarquable et crédible, aussi bien dans la diction, la gestuelle, que dans la manière dont il est grimé par la production, à mesure que passe les ans. Mais tout ceci est un détail par rapport à l'essentiel du film. Peu importe les faits rapportés et la manière de conduire le récit (assez académique), là où le biopic fait mouche et sens, c'est dans la présentation, l'exposition de ce qu'est la religion catholique pour notre abbé. Nous sommes loin des fastes du Vatican, du tabou permanent, de la récupération assez insolite qu'au fil des siècles la droite bourgeoise et les nobles bien nantis on fait de la parole du Christ, quand celle-ci est en fait une sorte de verbe communiste explosif avant l'heure, une invitation à la révolte permanente. Une phrase résume cette philosophie. Lorsqu'on demande à l'Abbé Pierre, au crépuscule de ses jours, s'il cautionne la violence, il répond que cette dernière vaut toujours mieux que la lâcheté. C'est exactement ça, son combat, ses combats. Ne pas tendre la main et espérer l'aumône (un clin d'œil particulier à notre seigneur Macron Premier et tous les néolibéraux, pour qui la théorie du ruissellement reste le nec le plus ultra de l'économie et du discours social) mais trouver les ressources en soi-même pour ne pas accepter l'inéluctable, pour rendre au prochain sa dignité, l'aider à se relever et repartir au front. Alors oui, dit comme cela, ça peut être un peu naïf, mais si l'on cesse de croire à ce combat là, que reste-t-il donc à accomplir pour l'être humain sur cette Terre ? Réfuter ce message, pour le coup, ce serait le nihilisme absolu, ou pour employer d'autres mots, la société capitaliste néolibérale d'aujourd'hui, où celui qui s'arrête tombe, où celui qui ne produit pas n'est pas, où celui qui ne peut plus doit disparaître. Pour avoir incarné l'exact contraire de cette doctrine mortifère, l'abbé Pierre reste aujourd'hui une des grandes figures marquantes de l'histoire moderne de notre pays. Comme le disait le Jésus de Didier Bourdon, dans un des célèbres sketchs pastiches des Inconnus : aimez-vous les uns des autres, bordel de merde (Jésus II le retour).
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