🎬 Vincent doit mourir (de Stéphan Castang)
Des heures après le repas, vous avez toujours en bouche la même question, la même sensation : impossible de déterminer si vous avez mangé salé ou sucré. Voilà l'impression ultime que laisse cet objet filmé non identifié, qui entend mêler dans le même élan histoire ultra violente, réminiscences zombies ou encore drame social. Au centre du récit, Vincent, qui bosse dans une start up informatique. Le jour où un nouveau stagiaire débarque, tout dérape. Le type éclate son laptop sur notre malheureux et se déchaîne sans raison. Pire encore, c'est ensuite le comptable de la boîte qui essaie de le planter avec un stylo et semble vouloir attenter à ses jours. Le début d'une longue liste : suffit d'un contact visuel et l'interlocuteur devient une bête féroce et Vincent une proie facile. Même les gamins des voisins s'y mettent, le facteur, tout le monde ! C'est d'ailleurs assez drôle, à bien y penser. Certaines scènes, surtout des répliques, assument pleinement ce comique à froid de l'absurde dramatique. Vincent doit donc changer de style et de cadre de vie, disparaître pour survivre, s'isoler. Avec en toile de fond le discours des psychiatres et de la DRH, qui tend à remettre en cause la victime, qui comme le veut la rengaine trop souvent entendue, "l'a finalement bien cherché".
La violence, au dehors et en dedans. Des individus dont l'humanité semble bien fragile, une sorte de saleté existentielle qui se traduit concrètement par une lutte à mort dans une fosse sceptique, qui restera comme une des scènes les plus répugnantes de la décennie. Vincent doit mourir n'est pas très propre. Ni dans son propos, ni dans sa technique, tant le premier film de Castang fleure bon (ou mauvais) l'amateurisme à de nombreuses reprises. On perçoit l'économie de moyens et des acteurs pas toujours irréprochables et convaincants (Karim Leclou fait le job, moins Vimala Pons, dont l'irruption dans le récit est le point le plus faible de l'ensemble). Une image et un savoir faire approximatifs mais revendiqués, un film qui échappe à toute tentative de dresser une morale et qui semble prendre un malin plaisir à viser le fond, non seulement pour le toucher, mais le racler, le creuser. Déconcertant et fascinant, on tient là un long métrage dont le lointain cousinage avec les épopées super-héroïques se résume à une malédiction indéfinie et incontrôlable, qui finit par s'étendre, jusqu'à la panacée des temps modernes, le confinement. En ce moment, le cinéma se découvre claustrophobe et y revient souvent. Si Vincent doit mourir, qu'au moins ce ne soit pas d'indifférence. Tentez l'expérience.
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