Napoléon (de Ridley Scott)
Première règle importante au moment d'aborder le film Napoléon, qui tel un Bic 4 couleurs percé fait couler beaucoup d'encre : comprendre qu'il s'agit d'un long métrage de fiction, certes basé sur des faits bien réels, mais pas un documentaire historique, tourné pour les besoins de History Channel. Autre règle évidente à saisir : l'histoire et la culture de France sont loin d'être des préoccupations prégnantes au moment d'obtenir des financements pour réaliser un blockbuster hollywoodien, censé rapporter des sommes colossales au box-office et à Apple. Bref, le réalisateur c'est Ridley Scott et pas Franck Ferrand, pour citer un de ces illustres guignols qui s'auto érigent, chez nous, en défenseurs de notre patrimoine poudré. Et puis l'histoire, c'est une question de point de vue, ça peut aussi et surtout s'écrire en fonction des victoires (et donc s'effacer pour les défaites); n'oubliez pas que si Napoléon est une pièce maîtresse de l'identité française de ces derniers siècles, il est aussi pour certains de nos voisins le "condottiere" d'une armée qui s'est livrée aux pires turpitudes, pillages, viols et autres petites espiègleries sur la grande route de la conquête universelle et de la Grandeur Française.
Globalement bien troussé, ce Napoléon là hésite durant plus de deux heures entre la chronique sentimentale d'un futur empereur, réellement immature et sous l'emprise d'une femme aussi volage que nécessaire, et la chronique d'une ascension irrésistible, d'un général qui sait comment mener les batailles et les remporter, notamment grâce à une tactique infaillible, l'équivalent du 4-4-2 sur un terrain de foot, à savoir : déployer les canons et tirer dans le tas, sans se soucier du nombre de victimes. La belle reconstitution (qui ressemble à une partie d'échecs diabolique) de l'ultime boucherie, celle de Waterloo, met particulièrement bien en évidence ce que signifie l'expression "chair à canon", la manière dont certains grands noms sont rentrés dans l'Histoire, en jetant en pâture à l'ennemi et à la postérité des générations entières, qui se sacrifient pour que leur roi/empereur/commandant passent à l'éternité, sous la forme de statues recouvertes des déjections de pigeons, sur nos places publiques. Grandeur et décadence d'un personnage qui est aussi un mythe. C'est cela l'ironie du Napoléon de Ridley Scott, la version grand spectacle parfois pathétique, voire ironique, de celui qui reste avant tout un homme qui n'avait pas les codes de la noblesse et des grands noms de son époque, mais qui s'est installé à leur table, tout en s'essuyant les bottes sur les belles nappes des principales cours européennes. Un napoléon convaincu d'œuvrer pour la France et pour la paix, capable de trucider tout ce qui se dresse entre lui et ce joli rêve, mais qui pleurniche devant Joséphine de Beauharnais, même lorsqu'il prend la décision de la répudier. Et si finalement ce qu'on reprochait le plus au film de Ridley Scott, c'était de pointer douloureusement du doigt tout le ridicule qu'il y a dans ce genre de héros historique, dont les faits d'arme souffrent clairement d'une réinterprétation hagiographique outrancière ? Nous pouvons les pardonner; après tout, c'est du même mal dont souffrent aujourd'hui nos gouvernants, Macronette Premier, pour commencer.
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