dimanche 23 juin 2024

MARIA (SCHNEIDER)

Maria (de Jessica Palud)


 Il faut avant tout revenir aux origines. Maria Schneider est une jeune fille pas encore majeure, dont les rêves sont un peu ceux de bien d'autres adolescentes de son âge. Le cinéma, la gloire, une vie aisée. Il faut dire qu'elle a un atout sérieux dans sa manche : elle est la fille naturelle de Daniel Gélin, un acteur alors très en vogue, ce qui lui ouvre fort naturellement les portes des plateaux mais aussi (et surtout) des agences qui comptent. Tout ceci explique qu'à 19 ans, sans expérience mémorable dans le milieu, elle est choisie par Bertolucci pour incarner le rôle de Jeanne, dans le Dernier tango à Paris, aux côtés de Marlon Brando (ici, Matt Dillon, en publicité vivante pour l'Actors Studio). Un film qui était à la fois un extraordinaire ascenseur social et artistique et… vers l'échafaud. Une scène va marquer tous les esprits, celle d'une relation violente et non consentie avec son partenaire à l'écran, qui utilise (le détail est devenu presque iconique) une motte de beurre pour arriver à ses fins. Nous parlons là d'une autre époque, bien avant Me-too, l'autre opposé sur le spectre de la parité. La féminolâtrie actuelle était alors inenvisageable et l'ont demandait aux actrices d'être avant tout des potiches séduisantes, au service d'histoires masculines filmées par un regard masculin. La vraie question pourrait être aussi : jusqu'où peut-on aller au nom de l'art ? Je rajouterais : n'y avait-il pas un peu de naïveté désarmante à imaginer que le tournage avec Bertolucci allait se dérouler sans heurt, avec une jeune actrice inexpérimentée choisie uniquement pour son physique et certainement pas pour son expérience ou ses capacités professionnelles ? Le désir d'être reconnu et vu est une lame à double tranchant et inexorablement, avec une lame, on finit souvent par se couper. Bref, Maria Schneider à bien des raisons d'en vouloir à ses partenaires du Tango, mais de là à nous proposer cette caricature que devient la seconde partie du film, sans la moindre nuance, c'est un peu grossier. Il a donc suffit de cette scène humiliante pour que l'actrice plonge dans les paradis artificiels, assume sa bisexualité, s'enfonce dans la dépression. Quand on est aussi fragile, ce n'est pas forcément une idée géniale que de désirer investir l'univers du septième art. Le fait est que le film de Jessica Palud correspond parfaitement à l'air du temps, à l'heure d'une chasse au masculin systémique. Un tel sujet, avec de tels protagonistes, c'est du pain béni. S'il est difficile de défendre réellement ceux qui seraient aujourd'hui probablement bannis par la profession, il est tout autant difficile de gober cette plongée dans le misérabilisme, au nom d'un drame artistique et intime qui devient dès lors le marqueur d'une carrière et d'une vie. Anamaria Vartolomei est très convaincante dans l'expression du clair obscur continu de Maria Schneider, et nullement responsable du pathos dégoulinant de la dernière demi-heure, initiée par une réalisatrice "en mission", avec Cannes et son cahier des charges dans l'objectif ?



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