mercredi 3 octobre 2018

ORBITAL : MONSTERS EXIST

J'ai toujours eu un faible particulier pour Orbital et la musique électronique les frères Hartnoll. Ils sont probablement ce qui se fait de plus intéressant dans le genre, depuis le départ de leur carrière. Ils n'ont eu de cesse de proposer des albums inventifs, puisant leurs racines dans la house des années 90, et sachant renouveler leur proposition à chaque fois, ou presque. Disons qu'à force d'annoncer leur fin de parcours, et de faire un coming back régulier, les choses ont commencé à péricliter légèrement. Certes le duo reste nettement au-dessus de la plupart des autres, mais on sent que la créativité de la première heure a foutu le camp.

Je me rappelle quand j'ai eu l'occasion de les rencontrer à Lille, avant un concert à l'Aéronef, alors que j'étais encore étudiant. C'était la glorieuse époque Middle of nowhere. Je m'étais fait passer pour l'envoyé de la revue officielle de la fac (qui d'ailleurs n'existe pas) pour décrocher un petit quart d'heure d'interview partagée, avec un journaliste flamand. Je ne sais pas si le subterfuge a duré longtemps, mais en tout cas j'ai pu parvenir à mes fins, et j'ai même été invité par les frères Hartnoll à monter sur scène lors du soundcheck juste après. Je dis juste ça pour vous expliquer à quel point je tiens à ce groupe, dont je suis la carrière avec une attention toujours renouvelée. Et bien voilà, un nouveau come-back, un nouvel album, intitulé Monsters Exist. Les monstres existent vraiment, à savoir ces ordures qui nous gouvernent et pilotent la planète vers une fin annoncée. Ce qui manque dans ce disque, c'est l'unité, ce qui autrefois rendait le LP compact et harmonieux, porté vers une direction artistique et sonore identifiable dès les premières notes. Ici encore on a droit à une sorte de collection de titres, certains très bons (Monsters Exist, The end is nigh, Tiny foldable cities) dès lors qu'ils essaient d'instaurer une atmosphère poisseuse et angoissante, d'autres un peu plus anachroniques ou légers, quand ils lorgnent vers la fête et le dancefloor sans assumer jusqu'au bout.
Mais en fait, est-ce bien si important? Peut-on exiger d'Orbital, en 2018, d'être le même groupe que celui qui a su révolutionner la musique électronique à ses débuts? Ne peut-on pas leur concéder une petite baisse de forme, et le droit de cumuler des points pour la retraite, d'autant plus que cumuler de la sorte, je le répète, beaucoup de jeunes ou débutants aimeraient bien y parvenir. On ne gâchera donc pas sa joie, ce n'est pas le meilleur album, mais ce serait bête de passer à côté.

dimanche 9 septembre 2018

LA RENTREE DES CLASSES : POUR QUOI FAIRE?

Après treize ans de bons (?) et loyaux (??) services en tant que TZR dans l'académie de Nice, à boucher les trous et intervenir là où souvent d'autres avaient jeté l'éponge, me voici donc enfin sur un poste fixe et définitif. Je suis à Menton.... et à Beausoleil.

Un complément de service inattendu, non signalé, un coup de poignard dans le contrat de confiance, et dans le dos. Une saloperie, si vous préférez.

Le Rectorat, et l'éducation Nationale, dans ce qu'ils savent faire de mieux, c'est à dire le pire. Un complément de service non désiré alors qu'à Menton je dois assurer des cours devant 32, 29 ou 28 collégiens, selon les classes... Les langues vivantes, une priorité, pour sûr...

Pour ma part, la page est tournée. Je suis en poste, car il faut bien vivre, messieurs dames. J'ai un salaire à percevoir le 27 de chaque mois, et même s'il n'est pas formidable, cela me permet de vivre sans me soucier du loyer et des factures (tant bien entendu, que je ne suis pas malade trop souvent, car le jour de carence censé nous "responsabiliser" nous met surtout dans la merde, nous qui aurions l'audace de tomber malade!)

Mais à la première opportunité, quelle qu'elle puisse être, ou devant un plan de départ volontaire sérieux, je démissionnerai de suite. Je ne souhaite pas poursuivre ce que je fais dans ces conditions. Je n'y crois plus, ne cautionne plus la manière dont on me demande de faire les choses. Le type qui doit se lever et aller assurer les cours à Menton, et Beausoleil, ce n'est pas moi. Plus moi. Je n'y suis pas, n'y suis plus. Je me regarde dans la glace avant de partir et j'en ai envie de vomir. Pas seulement pour la tête que j'y vois, mais pour ce qu'on me demande donc de faire.

Comme il se trouve que je sais tout de même faire ce job, que je n'ai jamais rencontré de problème de discipline ou relationnel majeur avec mon public, et que cette année encore l'illusion est (presque) parfaite, je serre les dents. Pour combien de temps? Une semaine, un mois, six mois, un an....
Je sais que tôt ou tard je vais prendre mon sac, mes affaires, et je vais me tirer. C'est inéluctable. 
Pour le moment je suis comme un ours devant son miel, je me gave (!) avec ces 2060 euros de fin de mois qui m'incitent à résister.
Je suis comme tout le monde, piégé dans un système organisé autour d'une sacro sainte trinité production/consommation/ponction (fiscale) et je n'ai pas encore trouvé la porte de sortie qui me conviendrait.
Je pense que j'aurais plus de respect pour moi même si j'allais me prostituer sur les grands boulevards... Mais selon toute vraisemblance, j'aurais trop peu de clientes pour vivre.


mercredi 15 août 2018

COPAINS D'AVANT. J'AI DIT D'AVANT

Vous aviez des amis, à l’époque du collège ou du lycée ? Probablement avez-vous déjà été tentés de savoir ce qu'ils sont devenus, et conséquence néfaste mais logique, vous avez essayé d’en retrouver certains. Mais que ou qui sont en 2018 ces individus dont vous n’avez plus aucune nouvelle? Comment retrouver la trace des ces fantômes du passé ? Le site COPAINS D’AVANT se vante de pouvoir vous aider, et le pire c’est que ça marche. Il faut dire que la génération actuelle de trentenaires – quadras, n’a jamais été autant angoissée par la fuite du temps. Difficile de s’assumer en tant qu’adulte dans un monde où chacun tente de rester ado dans l’esprit le plus longtemps possible. Une fois installé dans le train train de la vie quotidienne, du travail, du couple, et des sacrifices qui en découlent, nous éprouvons parfois le besoin de retrouver notre part «sans concession», entière, le jeune rebelle que nous avons été, pour le meilleur, puisque le temps nous a souvent aidé à oublier le pire. On enjolive la réalité d’une fois, on idéalise un passé à grand coup de souvenirs nostalgiques, on s’inscrit donc sur le site copains d’avant. En plus c’est gratos, si on se contente du minimum.

Bien sûr le passé est le passé, et hormis quelques rares exceptions heureuses, les retrouvailles  (la plupart du temps virtuelles, via web) ne durent que le temps de la curiosité, puis une fois la réalité de retour, les souvenirs idéalisés vaincus par cette réalité, on se prend à mastiquer un goût amer, qui nous fait penser que non, notre adolescence n’a pas été aussi géniale comme ça. Le passé est insaisissable, et la nostalgie, c’est juste l’expression de que nous savons ne plus pouvoir avoir, sur le moment ou de manière définitive. La nostalgie c’est l’angoisse de l’absence. La nostalgie du passé, c’est pire encore, puisque l’objet de nos désirs est mort depuis longtemps, et le cadavre surfait de nos souvenirs finit toujours par dégager une odeur nauséabonde si on n’y prend garde. Dans ce monde si impersonnel, où notre identité est trop souvent assimilée à notre numéro de carte bleue et notre personnalité à notre Cv en Times new roman caractère 12, on éprouve donc le besoin de se retrouver, non pas pour partager les souvenirs et les expériences des autres, mais pour le plaisir de s’entendre parler de soi, pour se rassurer quand au fait qu’on est encore en vie, qu’on est encore quelqu’un. Plus que retrouver les autres, c’est se retrouver soi même qui nous motive souvent, dans ces recherches virtuelles, sur Copains d’avant. Sauf pour ceux qui ont passé leur adolescence enfermé le soir dans un placard. Ceux là n’ont pas de bons souvenirs, et n’ont pas besoin d’aller visiter le site en question. On les envierait presque ?

A mes copains d'avant du collège ou lycée, en fait, si on s'est perdu de vue, il doit bien y avoir une raison, non? Alors laissez tomber!

1994, je suis dessus ! 

mardi 14 août 2018

APRES L'EFFONDREMENT, LA POUSSIERE

Quand un viaduc s'effondre sur la ville de Gênes, la poussière n'est pas encore complètement retombée que l'habituel théâtre de marionnettes propose déjà son spectacle glaçant.

On y trouve des politiciens sans vergogne, qui jouent la carte de la récupération, en affirmant que les coupables seront pourchassés et que les fonds publics, plus que jamais, devront aller aux Italiens, au sol Italien, pour garantir la sécurité éternelle de la nation, au détriment de ces réfugiés qui débarquent dans la péninsule, pour y mener une vie de pachas.
On y trouve aussi des foules d'internautes déchaînés, transformés par la grâce des réseaux sociaux, en autant de spécialistes des ponts-et-chaussées ou du génie civil, prêts à échafauder les théories les plus pertinentes sur les causes de la tragédie.
On y trouve cette masse ignorante, qui a désespérément besoin de s'approprier la catastrophe, en rappelant que "oui je connais bien cette autoroute, je la prends presque toutes les semaines, et quand j'y pense à 5 jours près ça pouvait être moi, et d'ailleurs je l'avais dit pas plus tard que l'autre fois, que ça finirait par s'effondrer..."
On y trouve la presse locale, régionale et internationale, qui fait semblant de s'interroger, alors que les infrastructures mêmes de l'appareil d'état italien sont à l'image de tout ce que le pays a bâti récemment, et de l'absence de décence  qui le caractérise  aujourd'hui. Une déroute sans appel, dissimulée misérablement derrière une coupe du monde et quelques spritz. 
Et tandis que parmi les décombres, les sauveteurs n'ont pas encore fini de retirer les corps, de mettre en sûreté les rescapés, déjà un singulier malaise nous frappe. Quelle chance avons-nous de vivre ce merveilleux XXI° siècle. 


samedi 11 août 2018

C COMME "COUP DE FOUDRE"

L'homme n'est pas une bête dénuée de tout sentiment, il rêve lui aussi qu'il rencontre un beau jour la femme tant attendue, sans la connaître. Cela peut se produire un peu n'importe où, n'importe quand, et plus surement sans crier gare, à l'endroit et à l'instant le plus improbable. Dans la file d'attente, le dimanche au matin à la boulangerie, ou à l'arrêt de bus, le jour même de la trentième grève des trains de l'année, par une belle ondée printanière de mai. 
Elle se tient là, perchée sur de hautes jambes interminables et pourtant adorablement galbées par de régulières séances de cardio-gym et de zoumba, après ses heures de travail à l'école élémentaire du quartier, ou par les longues après-midi passées à arpenter les couloirs de la bibliothèque à réorganiser les rayonnages, pris d'assaut par un public avide de culture et friand de littérature austro-hongroise. Ce sont ces fesses-là que l'homme se sent enfin capable de pétrir et de flatter pour le reste de sa vie sexuelle. Il est en cet instant pénétré de cette révélation implicite qui le bouleverse : cette créature délicieuse, cette apparition sublime et inconnue, sera celle en qui il défouraillera allègrement jusqu'à en concevoir une progéniture sanctifiée, perpétuant ainsi la noblesse de sa lignée. C'est dans cette bouche-là, entre ces lèvres tremblantes d'émotion là, quand elles répondent à son sourire, qu'il se soulagera à en perdre la raison. Ou sur cette opulente poitrine là, où en écartant fébrilement la chevelure soyeuse imprégnée de la transpiration nocturne, il déposera dorénavant le tendre baiser du réveil et (les jours de chance) la semence visqueuse de sa queue au garde-à-vous aux aurores. Le coup de foudre, bête et méchant. 
La Femme, et on pourrait presque entendre le bruit sourd de la majuscule qui prend sa place en tête de mot et sacralise cette étrangère, pour qui tout à coup l'homme (minuscule de rigueur, le voici réduit à un simple esclave soumis aux caprices d'une poignée de phéromones) se découvre des sentiments. Car oui, les sentiments ne sont pas l'apanage du genre féminin, la masculinité également n'échappe pas à cette connerie dramatique, qui sert ensuite à justifier les pires turpitudes, les plus infâmes renoncements. Le cliquetis des chaînes, dans ces premiers instants là, est magiquement perçu comme le chant angélique des lendemains heureux. Le coup de foudre, lorsqu'il est métaphorique, est lent et à retardement. L'éclair nous lacère l'âme et l'esprit, mais le tonnerre ne gronde que bien plus tard, à cendres refroidies, et son écho résonne périlleusement et sourdement, des mois ou des années après l'inéluctable promesse, au passage d'un joli cul moulé dans une jupe un peu trop serrée.


Le dessin qui illustre l'article est l'oeuvre du grand Milo Manara

mardi 7 août 2018

SKETCHING THE HEROES (PART TWO)

Sketching the heroes, seconde fournée, des trucs de 2017 et 2018

Jessica Jones, privée sur Netflix


Robin (recreation) en slip de bain vert

Rorschach, de l'univers Watchmen

Frank Castle is The Punisher

Cyborg, le faire-valoir de la Justice League

Thanos (recreation) after Ron Lim

Batman, un classique, encore et encore...

vendredi 20 juillet 2018

ESSEX COUNTY : LE CHEF D'OEUVRE DE JEFF LEMIRE

Essex County, coeur profond de l'Ontario. C'est là que Jeff Lemire a grandi, c'est son monde, le terreau fertile de sa sensibilité. Il ne s'y passe pas grand chose, l'histoire semble même s'y être arrêtée, d'une certaine manière. Mais derrière l'apparente immobilité du cours des choses, se cachent des récits poignants, ceux du quotidien d'êtres comme vous et moi, cette humanité impersonnelle qui va de l'avant malgré les drames, qui aime et souffre, pleure et jouit. Lemire va dépeindre tout cela avec une classe folle dans cette trilogie datée 2008 et 2099, qui sera deux fois nominée aux Eisner Awards, sans pour autant décrocher la récompense, injustice scandaleuse. Ce portrait croisé de cabossés de la vie s'ouvre avec un jeune garçon, Lester, qui vient de perdre sa mère, morte d'un cancer. Lester n'a jamais connu son paternel, et c'est son oncle qui en reçoit la charge, sans jamais l'avoir souhaité, et s'y être préparé. Les deux se regardent en chien de faïence, doivent apprendre à s'apprécier, à communiquer, à accepter ce que leurs existences respectives sont devenues. Au rythme fascinant des saisons, sous le manteau ouaté de la neige, Lester confie son ennui et ses distractions à un ancien joueur de hockey, solitaire un peu benêt, reconverti en pompiste isolé. Avec pudeur, retenue, sensibilité, des fils se nouent, se dénouent, la vie s'expose, dans sa beauté nue et crue. Ensuite, vient le récit d'un vieil homme atteint de la maladie d'Alzheimer, qui entre une période de conscience, et une autre de crise d'identité, se remémore les moments de complicité avec son jeune frère. Tous les deux entament même une carrière de joueur de hockey sur glace professionnels, mais la solitude de l'aîné contraste avec la félicité simple et pure du cadet, qui a trouvé l'amour, et souhaite avant tout fonder un foyer, et quitter la grande ville pour retourner vivre en Essex. Une présence féminine importante se glisse, qui va catalyser la séparation entre les frangins, et faire imploser cette fragile unité qui se désagrège inexorablement sous nos yeux. Un bonheur qui s'estompe, au rythme de la maladie qui ronge et rogne les souvenirs. Comment un artiste aussi jeune (trente ans) peut alors écrire de telles choses, avec une telle honnêteté, cela reste un mystère à mes yeux. 

Dernière partie de la trilogie, une belle histoire mettant en scène Annie, une infirmière, mère célibataire, en charge du vieillard déjà évoqué. Elle aussi n'a pas eu l'existence dont elle aurait pu rêver, étant petite, mais elle a su garder une humanité exemplaire, rester au service des autres. Les trois parties de la trilogie finissent par s'imbriquer, alors que les rapports et les liens familiaux et affectifs qui unissent les différents personnages apparaissent au grand jour. Le récit se fait saga générationnelle, tourbillon de trajectoires brisées, interrompues, ou simplement déviées, vers un nouveau départ, de nouveaux horizons. La sensibilité de Jeff Lemire n'est pas de la sensiblerie de bas étage, du pathos à pleines mains pour verser des larmes faciles. Le trait de Lemire peut dérouter, sembler simpliste et caricatural au premier abord, mais il est lui aussi chargé en émotions. Allant des grands yeux des personnages, à leurs oreilles décollées, le nez cabossé, à la variation dans l'épaisseur du trait, qui oscille entre le noir charbon et l'ébauche légère, selon le rythme des saisons et le ton dominant. C'est si peu orthodoxe et en apparence sommaire que le lecteur de passage peut voir cela comme un story-board à dégrossir, mais un regard plus attentif démontre à quel point la maîtrise du cadrage, le travail presque cinématographique (Jeff Lemire a fait des études de cinéma) de l'artiste prouvent qu'il contrôle parfaitement son oeuvre, comme peu en sont capables. Essex County est un chef d'oeuvre total et intemporel. Il associe existences privées et communauté rurale, folâtre doucereusement et joue avec nos sentiments. Et appuie avec mélancolie sur les absences, que ce soit celle de longs dialogues ou d'échanges verbaux prolixes (l'incapacité à communiquer les sentiments est un des moteurs de Essex County) ou d'une figure paternelle recherchée mais qui est fuyante, que la vie s'est refusée d'offrir, ou a emporté trop tôt. Dans le ciel cristallin et froid de l'Essex, une corneille vole par endroits, tisse de minces liens entre les histoires, comme le lecteur qui observe et apprend, page après page, ce que signifie laisser fluire le destin, sans jamais pouvoir intervenir. Chef d'oeuvre total publié en VF chez Futuropolis.


dimanche 15 juillet 2018

LE BONHEUR ET LA COUPE DU MONDE

"C'est le bonheur partout en France..."
"La France avait besoin de ça..."

Alors, quelques remarques pour en finir.
Remporter une compétition footballistique, ce n'est pas le bonheur, c'est au mieux une grande satisfaction, une belle soirée entre amis avec de bonnes bouteilles à déboucher. 
Le bonheur c'est autre chose. C'est par exemple de se réveiller chaque matin dans un pays où vous avez la certitude qu'en y mettant aussi un peu du votre, chaque mois, chaque année qui passent, sont autant de pas en avant dans l'amélioration de votre cadre de vie, de vos espérances, les vôtres et celles de vos enfants, petits-enfants. C'est être membre d'une société, d'un peuple, où les valeurs d'humanisme, de respect, de solidarité, priment sur toutes les considérations économiques, égoïstes, d'exclusion.
Voilà ce que peut être, ce que serait le bonheur. La France de Macron (mais je vous le concède, cela n'a pas commencé avec Macron, mais bien bien avant...) ce n'est pas le bonheur. C'est un recul permanent, une lente humiliation des plus faibles, justifiée par le besoin des plus forts de manifester et renforcer cette puissance. C'est un pays qui est gouverné par ordonnances, par mensonges, qui lacère peu à peu toute idée de contrat social "à la française", sans pour autant que les foules s'insurgent, comme le voudrait la glorieuse histoire de la patrie.

Non, les français "avaient besoin de ça". Ils avaient besoin, dans un tel contexte, que des types comme Pogba ou Giroud remportent la Coupe du Monde. Ils vont klaxonner, hurler, boire comme des trous, jusqu'au petit matin, pour manifester ce bonheur retrouvé, qui tenait à si peu de choses! Une balle en cuir à pousser dans des filets, par la grâce d'une pointure 44 de milliardaires "ensponsorisés". 
Oui, ça c'est le bonheur, le vrai.
Et attention, mauvais français que je suis, que vous êtes peut-être. Réfuter cet axiome, c'est être anti patriotique. Chiant. Râleur. Ne pas se sentir représenté par des freluquets (certes doués) et leur génération décérébrée, c'est être donc un vieux con, qui va contre la modernité, la liesse, l'oubli.

La France n'avait pas forcément besoin de "ça" non, par contre il semblerait qu'elle avait besoin de sa dose, peu importe quoi, opium, cannabis, n'importe quelle substance pour rêver un soir, qu'elle a encore un avenir qui chante, que le soleil reste à son zénith, alors qu'il est pratiquement couché sur l'horizon, et que le crépuscule arrive. 
Mais bon, champions du monde, hein.


dimanche 1 juillet 2018

R.I.P FRANCOIS CORBIER (1944-2018)

Depuis ce matin, c'est l'avalanche des R.I.P François Corbier. 

Corbier est décédé cette nuit, à Evreux. J'avais pu le rencontrer récemment encore, à Fréjus, lors de l'avant dernière (si je ne me trompe) édition en date du Mangame Show. Une personne d'une grande simplicité, d'une gentillesse évidente, contrainte de jouer le rôle de Corbier pour le restant de ses jours, au détriment de François Corbier, l'artiste, le chansonnier. Tout en nous confirmant combien cela lui tenait à coeur, et combien c'était lui, finalement, il était obligé de coller au personnage, et d'interrompre fréquemment ses confidences ou simplement son repas (dégueulasse, mais on était au Mangame, et donc c'était des bouts de pizzas froides dans un stand caché par des rideaux) pour pousser une gueulante "à la Corbier" et amuser la galerie. Avec l'inflation des conventions geek et l'infantilisation croissante du public, le club Dorothée est revenu en vogue, et ce qui voici 10/15 ans semblait être le summum de la bétise et du mauvais goût est devenu "deliciously vintage" grâce à l'incroyable pouvoir aveugle de la nostalgie. 

Ne nous y trompons pas, François Corbier gardait d'excellents souvenirs de ses amis, sa petite troupe, et une foule d'anecdotes, mais il vivait beaucoup moins dans la nostalgie que les fans quadras ou que ces jeunes qui ne l'ont jamais réellement connus, à part le temps d'un selfie. Corbier donc, errant d'un stand à l'autre, malade, avant d'aller se reposer quelques heures, et revenir hanter les allées du Mangame Show. Je me rappelle avoir éprouvé de la tristesse devant cette exploitation bête et stérile des souvenirs d'enfance, d'une génération prête à tout pour oublier qu'elle est adulte, majeure et vaccinée, et se réfugier dans les madeleines virtuelles d'un passé éhontément magnifié. La grande chance qu'on a pu avoir c'est de pouvoir échanger un repas avec François, pas avec l'amuseur du Club Dorothée, et croyez-moi, le type en valait la peine, et j'en garde un très bon souvenir.


lundi 25 juin 2018

U2 : ACHTUNG BABY!

Avant de devenir le professionnel de la charité et le militant des causes perdues, mais qui rapportent gros, Paul Hewson, aka Bono Vox, fut aussi le leader indiscuté du plus grand groupe de rock du monde. Une obscure formation irlandaise, dont les membres n'avaient rien de musiciens de génie avant de s'acheter leurs premiers instruments, a finalement conquis le toit du monde, continent par continent. L'Amérique fut le morceau le plus difficile à accrocher, mais à force d'insister et par la grâce de deux albums incontournables, The Josuah Tree et Rattle and hum (et ses duos de légende; de BB King à Lou Reed... par la suite ce furent Sinatra ou Johnny Cash, Bono aime la reconnaissance de ses pairs...) U2 a finalement gravi le sommet ultime. Et là tous les coureurs du Tour de France vous le confirmeront : une fois franchi le col, vous ne pouvez plus que redescendre. Sauf que Bono et sa bande, fin 1989, vont descendre de vélo et attaquer à la corde et en rappel la dernière sommité inatteignable en bicyclette. Encore plus haut que haut, la tête dans les nuages. Achtung, baby ! 



Tel est le titre de l'album que U2 va peaufiner à Berlin, pour y respirer à pleins poumons le délicieux air de la décadence, toujours aussi fertile et propice aux coups de génie. Brian Eno est en renfort pour des conseils avisés, tandis que Flood s'occupe de produire le nouveau né. Attention, on retrouve déjà le sieur Flood sur Violator de Depeche Mode, pour les habitués de la fin des eighties... Même en jouant négligemment de la guitare pour passer le temps et trouver l'inspiration, U2 acouche de coups de maître, comme One, qui va devenir la balade ultime du groupe et sera reprise par des dizaines d'autres artistes. The Fly est l'hymne du dédoublement de personnalité du leader irlandais, qui affublé de lunettes de soleil exagérées, devient La Mouche et démonte les travers du show business dans une tournée légendaire et marathon, fantasmagorique (des trabans tournent à quinze mètres du sol sur des axes de métal, des dizaines d'écrans géant étourdissent le public) et regréttée, depuis. Certes, il ne tardera pas à s'y perdre, lui aussi, mais l'époque fut glorieuse. Une fois les cornes du Diable enfourchées, le voici devenu Mac Phisto, icone de la diablerie de consommation, qui interprète des morceaux de bravoure rock comme Mysterious Ways ou Until the end of the world, morceaux pêchus de l'album déjà cité. 



Achtung baby est presque parfait. Pas de temps morts, des perles à foison, comme Ultra Violet, superbe morceau romantique et joué dans l'urgence, ou Who's gonna ride your wild horses, où la fusion guitare allumée de The Edge et chant plaintif de Bono trouve un accord divin. Even Better than the real thing donne à The Edge l'opportunité de jouer au virtuose du manche, et Love is blindness vient clore l'album en beauté, avec un titre superbe à en rester prostré pendant des heures. U2 s'emparait de la couronne pour au moins deux ans passés, sur le toit du rock mondial, avec ce grand Achtung Baby. Avant d'en redescendre brusquement, avec des productions très inégales, comme Pop, par exemple. De toutes manières le groupe avait là de quoi partir à la retraite tranquille, sans besoin de souscrire à une complémentaire de santé...


dimanche 24 juin 2018

PETIT DICTIONNAIRE DE LA MISERE SOCIALE

Dictionnaire de la misère sociale (1)

QUERIR ( kerir )   aller chercher, ramener   Sullivan, ramene tin cu e va'm quert Lekip   De ce verbe est né le mot la "quête", voir le chef d'oeuvre de la littérature médiévale de la misère sociale, "Les chevaliers deul'l table ronde", où les héros, des chevaliers " ronds comme des coings " vont quert " eus graal ", une coupe pleine de Picon bierre aux pouvoirs magiques.

TIOT (Tio)   Petit, jeune   T'as vu Brenda? Sin tiot il a du brin a sin cul, i pu la mort!   Derive de "petiot", forme archaïque de petit, chaque famille en misère sociale produit de trois à huits tiots selon la fécondité de la génitrice et le taux d'alcolémie du géniteur.

VAQUE (vak)   Vache, veau, taureau   Gad eul grosse vak, alla des cannes comme des saucissons!   La Vaque est un des anciens plats typiques de la misère sociale, cuisinée avec beaucoup de piments, d'où le nom du plat, la "vaque enragée"

ZALLOCS (zalok)   Allocations, aides sociales   Eu't mère allé parti al poste touché ses zallocs, alors ferme eut'gueule, ming eu't main et garde l'aut pour dmain.   Les Zallocs ont une origine inconnue. Un ancien gouvernement de gauche de la misère sociale aurait inventé ce concept pour relancer la consommation des ménages. Toutefois, seule la natalité à augmenté, et certains racontent que les zallocs sont l'autre nom du R.M.I, ce qui n'a jamais été prouvé.



LE SYSTEME MONETAIRE DE LA MISERE SOCIALE

En misère sociale, le peuple règle ses achats avec la monnaie locale, les balles. C'est une habitude qui remonte à la première guerre mondiale où on s'echangeait diverses denrées alimentaires contre les balles retrouvées dans les tranchées "deuch nord". On ne connais pas encore très bien la valeur réelle de la balle, toutefois on estime qu'un lecteur DVD coûte environ six à sept cent balles, tandis que les fameuses zallocs, déjà evoquées plus haut, peuvent rapporter, à une mère pondeuse seule et avec quatre enfants, plus de trois mille balles. Les miséreux sociaux les plus riches sont ceux qui ont profité de l'explosion du marché des travaux du bâtiments pour investir leurs balles dans des briques. La brique vaudrait plus de dix mille balles, et avec plusieurs briques, il serait possible, parait il, de se procurer une caisse, qui représente le sommet du bonheur pour un foyer en misère sociale. Mais personne ne sais à ce jour ce qu'est vraiment une caisse, tout juste sait on qu'à moins de cinq briques, il est impensable de trouver une bonne caisse, quelle que soit cette caisse. Des convertisseurs Euros/balles avaient autrefois été offerts aux miséreux sociaux, mais faute de mode d'emploi rédigé en leur langue, ils ont finalement été abandonné, et la balle est restée populaire. Gageons qu'en cas de future tentative, le gouvernement saura faire appel à nos services eclairés de nous autres, linguistes de l'extrême.


samedi 23 juin 2018

SKETCHING THE HEROES (PART ONE)

Créations comics, quelques petits dessins de ces dernières semaines. Réalisés sur papier A4 250 g (blanc ou bistre) avec feutres copics, posca, un peu d'aquarelle ou de pastel.
Dessins originaux, "recreations", un peu de tout, selon mes modestes moyens.

Spider-Man veille sur New-York

Superman half bust

Ce couillon de Deadpool, half bust

Vous vous souvenez de Spawn?

Felicia Hardy, the Black Cat

Gamora. Pas celle des films, la vraie, des comics

Tout ceci est en vente, 5 euros prix unitaire. Attention, certains peuvent avoir déjà été vendus ou réservés.
Sur commande : 7 euros

mercredi 20 juin 2018

THE CURE : DISINTEGRATION

Amis gothiques, vous êtes probablement parmi ceux qui considèrent THE CURE comme LE groupe de référence en matière de new wave. Après une longue carrière très productive, Robert Smith et sa bande à géométrie variable ont derrière eux une impressionnante série de succès et une horde de fans purs et durs. Retour sur ce qui est probablement la plus grande réussite curiste, le grandiose DISINTEGRATION, qui déjà en 1989 devait signifier la fin du groupe (d'où le titre). Avec le recul, tout cela fait bien sûr sourire... (encore que... artistiquement peut-on parler de mort cérébrale?)

De tous les opus de The Cure, Disintegration est certainement celui qui est nanti de l'ambiance la plus féerique et la plus imaginaire. Il serait impensable de décrire toutes les émotions que l'on peut appréhender en l'écoutant. C'est ausi la bande son idéale pour tous ceux qui hésitent entre laisser ouvert le gaz toute la nuit ou s'enfiler une belle boite de medocs pendant que les parents ont le dos tourné. En l’offrant à nos tympans, nous sommes en proie à des visions d’aubes sibériennes, des lacs scintillants, et des ondées de pluie fine, sur une plage de sable en plein hiver. Ce n'est pas une invention, c'est ce que dit lui même Robert Smith, quand il décrit le paysage imaginaire qui lui trottait dans la tête à l'époque, après quelques bières bien tassées. 
Pour Simon Gallup, une seule corde de basse suffit à créer une mélodie. Ses lignes de basse sont si aguichantes qu'elles peuvent se permettre de tenir des titres de 8 minutes. Les synthétiseurs, omniprésents sur l'album, favorisent la création de ces émanations venues d'ailleurs. Les mélodies envoûtantes écrites par Robert Smith ne seraient rien, si elles n’étaient pas portées par les guitares étirées et filamenteuses de Porl Thompson (« The Same Deep Water As You », un bluffant morceau de dix minutes), passant de l’amertume désenchantée (« Pictures of You » pop et pourtant si mélancolique, le superbe « Fascination Street » le titre le plus rock, « Homesick » peut être un peu forcé), à une douce morosité fiévreuse et maussade (« Plainsong », l'incontournable « Lullaby », « Closedown », la mirifique « Last Dance », « Lovesong », « Untitled »). Robert Smith atteint même ici l’osmose parfaite entre la lourdeur morbide et glaciale de « Faith » et la légèreté déroutante de « Why Can’t I Be You ». Smith, tel un troubadour mystique, passionné et visionnaire, distille le vague à l'âme et la mélancolie comme personne. Rouge à lèvres grossièrement appliqués sur ses lèvres de quasi alcoolique, le cheveu gélatineux et hérissé, ses élucubrations font encore mouche presque vingt ans plus tard, et font rougir de honte toute une génération qui s'applique à singer le père mais restent seulement de simples fils ingrats.



Toute personne qui voudrait connaître et explorer plus en profondeur l’univers de The Cure doit se procurer cette perle précieuse et rare qu’est Disintegration. Les années 80 s'achèvent donc d’une manière grandiose avec cet album, qui serait donc plus à comprendre comme désintégration d'une décennie plus que comme celle du groupe. Tout ce qui a pu se passer après cet album somptueux a peu d'importance. Cette œuvre remarquable, (durement critiquée par leur maison de disques) de Smith et sa bande, s'est quand même vendue à plus de 2 millions d'exemplaires aux USA. Certains s'acharnent encore à détruire la légende des Cure en s'attaquant hardiment à des albums postérieurs comme Wish (trop pop pour être honnête?) ou Wild mood swings (fourre tout pas si mauvais, mais trop loin de l'etat d'esprit des purs curistes suicidaires). Grand mal leur en fasse. Quand à vous, il n'est jamais trop tard, le cas où...


mardi 19 juin 2018

DEPECHE MODE : A BROKEN FRAME

D’habitude on dit de A Broken Frame : Un album de transition. Ceci car Depeche Mode, après quelques mois d’existence, se retrouve déjà sans son principal compositeur, et doit donc espérer en Martin L.Gore, un blondinet freluquet, pour prendre la relève, si possible avec succès. La tâche est loin d’être évidente et les journaux musicaux s’empressent d’enterrer les Mode sans tergiverser. Ces derniers ont bien recruté un bon musicien pour pouvoir se produire sur scène, mais le dénommé Alan Wilder n’a pas encore, en ce début 1982, le droit de citer dans la phase d’enregistrement des nouveaux titres. Déjà qu'il a du (légèrement) mentir pour correspondre au profit désiré, sur les petites annonces de Martin... Le premier single de l’ère Gore s’appellera See You, une comptine pop mélancolique et romantique, «catchy» comme on dit en Grande Bretagne, mais loin d’avoir une profondeur réelle pour ambitionner une vraie crédibilité sur la scène pop nationale. See You, ça veut aussi dire «à plus, à la revoyure», dans un certain sens ironique, comme une dédicace à Vince, parti sous d’autres cieux. Le single suivant sera bien pire : The meaning of love est un exercice baroque de pop guillerette qui est assez embarrassant à écouter aujourd’hui, comparé à ce qui va suivre. Inspiration défaillante, dans les grandes largeurs. La bonne surprise survient quand personne ne l’attend, avec Leave in silence. Voilà un morceau qui n’a rien d’un tube, mid-tempo et brumeux, gluant comme un des ces matins de réveil d’après cuite. Mais surprenant car mûr et bien plus profond que ces cinq prédécesseurs, et capable malgré tout de trouver un public sans trop de difficultés. Un signe évident, et avant coureur, des prises de risque, des innovations qui distingueront le groupe de Basildon les années suivantes.



L’album renferme aussi d’autres titres finalement assez lents, tristes, loin de la pop insouciante du premier album. Monument est un petit exemple de désillusion mise en chanson, alors que Nothing to fear est un de ces instrus bizarroïdes dont les DM ont le secret, qui pioche ouvertement dans la scène indu électro. Satellite est à ce jour le seul titre construit sur un code reggae, transmuté et reconstruit à coups de synthés. The sun & the rainfall clôt le disque sur une autre note aigre douce, augurant que «les choses doivent changer, nous devons les réarranger», comme le récite le texte de Martin Gore. Une conscience socialiste (ou plutôt naïvement populiste ?) semble sortir de l’ombre, lentement, mais sûrement. Un rappel à cette faucheuse dans un champ de blé qui orne la couverture, et qui fait aussi écho à la mort elle-même, son arme à la main, ou simplement au temps qui passe, et n’oublie personne? Le marteau du disque suivant viendra apporter son lot de réponses, sans que Depeche Mode soit à classer dans la catégorie musiciens à chemises rouges pour autant. 
A Broken Frame, une transition, donc. Ou plutôt, une graine, qui porte en son sein l'excellence de la production à venir, et qui sans tambour ni trompette, révolutionnera la musique pop et l'usage des synthés. Même si le groupe préfère ne plus trop entendre parler de son travail de 1982...


lundi 18 juin 2018

LES CAVERNES D'ACIER D'ISAAC ASIMOV

Je vous ai déjà dit que je suis très friand de romans de science-fiction? De temps en temps, j'essaierai de vous en présenter quelques-uns, parmi ceux qui sont restés, des décennies après avoir été écrits, les plus marquants de leur génération. Nous commençons aujourd'hui avec les Cavernes d'acier, de l'inénarrable Isaac Asimov, qui nous présente une société d'un lointain futur, où perdure la xénophobie et la méfiance des autres, même si de manière un peu particulière. 
L'humanité s'est en effet séparée en deux tronçons distincts; les Terriens de base, qui vivent sur une planète plus que jamais empoisonnée, réfugiés à l'intérieur de mégapoles immenses, à l'abri des éléments et de la nature moribonde, dans un contexte artificiel et mécanique. Ce que le romancier appelle les cavernes d'acier donc, des immenses constructions de béton et d'acier, où on ne respire jamais l'air libre, ni ne profite de la douce chaleur des rayons du soleil. De l'autre côté, nous trouvons les Spatiens, qui sont les descendants de ceux qui sont partis à la conquête des étoiles. Ils ont colonisés de nouvelles planètes puis ils ont installé une cité sur terre, du nom de SpaceTown. Les relations diplomatiques avec les terriens classiques sont très tendues, les spaciens ne connaissent plus la maladie, leur environnement est aseptisé et ultra contrôlé, et ils sont fiers d'avoir aussi éradiqué le crime. Sauf qu'un jour un assassinat est commis sur leur territoire, et l'enquête qui va devoir débuter en catimini pourrait bien mettre en péril le fragile équilibre qui s'est instauré, d'autant plus que même si nous n'en n'avons pas encore parlé pour le moment, les robots vont jouer un rôle déterminant, comme très souvent avec Asimov. Si les terriens les méprisent et s'en méfient hautement, à Spacetown ils peuvent revêtir une apparence confondante de vérité, et ressembler en tout point à de vrais humains.

C'est d'ailleurs l'un d'entre eux, R Daneel Olivaw, qui va être chargé de l'enquête, aux côtés d'un détective tout ce qu'il y a de plus traditionnel, Elijah Baley. Bien entendu, il serait préférable que l'humain parvienne à résoudre le mystère de cet assassinat malencontreux, autrement c'est le rôle même de la police et des institutions qui est en péril. Après tout, si une machine fait mieux le travail d'un salarié ou d'un fonctionnaire, pourquoi ne pas tous les remplacer? 
Vous l'avez compris, les thèmes abordés dans ce livre, qui a été publié en 1954, sont toujours vraiment d'actualité. La phobie qui règne dans les cavernes d'acier, la course vers la productivité et la rationalité, qui perd complètement de vue le côté humain et naturel, la déshumanisation du travail et la peur de perdre son emploi et son statut social, tout ceci infuse ces pages, qui se laissent lire très facilement. Le style d'Asimov n'a jamais été ampoulé ou plein de circonvolutions de langage, il va à l'essentiel et chez lui la trame prime sur la forme, bien qu'elle reste suffisamment soignée pour que l'on puisse parler de littérature véritable. En fait, il s'agit là d'un mécanisme presque parfait. Chaque chapitre apporte sa pierre à l'édifice, et le roman ne connaît aucun temps mort. Maestria totale dans la manière de raconter les faits, par un Asimov très inspiré. De plus, Daneel Olivaw est très bien campé et on s'attache vite à cette machine, qui est bien plus humaine qu'elle ne semble, et qui va avoir une importance capitale sur le reste de l' œuvre de l'auteur russo-américain. Aujourd'hui classé comme étant le troisième tome de ce que l'on appelle le cycle des robots, les cavernes d'acier peut bien entendu se lire de manière totalement autonome, et constitue un des tout meilleurs romans de science-fiction du XXe siècle. En plus, cela plaira à coup sûr aux amateurs de romans policiers!



samedi 16 juin 2018

F COMME : FUTILITE

Comme j’aimerais tant être quelqu’un ! Non pas que je nourrisse le moindre doute quand à mon identité à l’état civil, quand à mes racines et ma famille. Bien au contraire, je n’ai malheureusement que des certitudes sur ce point, et elles me pèsent et m’oppressent la plupart du temps. Non, par être quelqu’un, j’entend quelqu’un de célèbre, de reconnu, un nom qui revient comme un mantra sur des lèvres qui chantent mes louanges, une image postérisée dans les chambres des adolescentes, une icône clickée et googlisée sur le net.

Curieusement, si c’était le cas, les masses adorantes ne connaîtraient pas mon véritable nom ; j’aurais eu soin de me cacher pudiquement derrière un pseudonyme, un acronyme, un symbole abstrait ou même une onomatopée… qu’importe le choix, ce serait là ma nouvelle incarnation, celle de ma réussite et de ma gloire. Je voudrais qu’il précède même, sur les moteurs de recherche, les mots «sexe gratuit» ou «viagra cialis», être incontournable et omniprésent, fanatiquement traqué et désiré, mais rester bien sûr totalement inaccessible. Je tiens à préserver mon équilibre.

Cette idée peut vous paraître futile, voire saugrenue, mais moi, elle m’obnubile. J’y pense tout le temps, nuit et jour ça me travaille. Je ne sais pas précisément comment cette pulsion s’est emparée de moi, mais l’autre jour je m’en suis ouvert à mon psy. Selon lui, je suis contaminé. Atteint par le discours populiste et égocentrique, infantilisant et dérisoire, de ma télévision. Enfin, je dis «ma» télévision, mais ça pourrait tout aussi bien être la votre, et donc, votre cas. C’est juste que moi, j’ai eu, parait-il, le tort de passer trop de temps au contact de ce foyer infectieux, j’ai du contracter une kyrielle de bacilles et de germes particulièrement virulents. Il faut dire aussi que ces dernières années, entre les émissions de télé réalité, le journal télévisé et les frasques mondaines de nos politiciens, il y aurait eu, toujours selon mon psy, une véritable épidémie dans le pays.

Mon psy me dit que ce n’est que de la poudre aux yeux. Que l’opium n’est qu’un anesthésiant, que toutes ces fantaisies et ces lubies que je nourris en mon sein, c’est comme le déni de la réalité, une fuite improbable, une chimère toxique. Mais moi, je ne suis pas vraiment d’accord. Mon psy est fort sympathique par moments, mais il a une tare évidente, dont il n’a heureusement pour lui pas conscience : il n’est personne.


ZAGOR : LE PRESQUE SUPER HEROS ITALIEN

Les super héros sont américains. Par essence, par origine, par habitude. Très peu, pour ne pas dire personne, ont été en mesure de mettre sur pieds un univers super héroïque capable de rivaliser avec les décennies de gloire de Marvel ou Dc. Simplement trouver un titre, une série, qui passionne le lectorat depuis des décennies, s'avère presque impossible. Mais en marge des super héros classiques en spandex, l'Italie a des idées...
La maison d'édition Sergio Bonelli propose ainsi depuis 50 ans les aventures d'un héros particulier, au nom bien étrange : Za-Gor-Te-Nay, ce qui signifie, dans un dialecte algonkin (dialecte d'une tribu indienne) l'esprit à la hache. Tout un programme. Après avoir perdu ses parents dans sa prime jeunesse, Zagor a consacré sa vie à la défense de la paix et de l'ordre dans la forêt de Darkwood, un lieu imaginaire, inventé par Guido Nolitta (en fait le pseudo de Sergio Bonelli himself), situé dans les États Unis orientaux. Les extraordinaires prestations athlétiques de Zagor, ses aventures, le charme de son costume et son hurlement de bataille (un caractéristique "AAHHYAAKK!") ont fait croire aux Indiens qu'il s'agit d'un demi-dieu envoyé par Manitou. Même si la plupart des aventures se passe dans une ambiance western, Nolitta y a aussi inséré beaucoup d'éléments fantastiques, effroyables et policiers. C'est ainsi que nous pouvons sauter sans discordance des rivalités entre tribus, des guerres entre blancs et peaux-rouges, à l'apparition d'extra-terrestre venus du fin fond du cosmos, ou la présence de monstres mutants effrayants. Chez Zagor, l'aventure est multiple et se conjugue à toutes les sauces. C'est ce qui fait le charme de la série, son attrait sans pareil. Notre héros est entouré d'un cast de personnages secondaires assez savoureux. Tout d'abord, son inséparable partenaire: le petit homme au grand ventre, gourmand, hypersympathique mexicain Don Cico Felipe Cayetano Lopez y Martinez y Gonzales, plus simplement connu de tout le monde comme Cico. Et encore, Tonka, sakem des Mohawks et frère de sang de Zagor; l'empoté détective Bat Batterton, le chercheur de trésors Digging Bill, le marin Fishleg, le "guitariste-pistolero" Guitar Jim et beaucoup d'autres. Qui dit amis dit aussi ennemis. Zagor a livré à la justice des centaines de hors-la-loi, parmi lesquels le plus dangereux de tous: Hellingen, un savant génial mais fou dont les projets pour la conquête du monde (et, certaines fois, de l'univers entier) ont été toujours éventés par notre héros. Parmi les autres ennemis, le vampire Rakosi, le druide Kandrax, l'"alter ego" SuperMike, l'esprit du mal Wendigo. Bref, rien à envier au X-Men ou à Daredevil, notre Esprit à la Hache!



Zagor est une série qui a donc 50 ans. Régulièrement publiée chaque mois, en noir et blanc (une collection historique en couleurs et grand format est en ce moment proposée avec un important quotidien italien), elle est une des fers de lance de l'écurie Bonelli, dont les autres best-sellers s'appellent Tex (le cow-boy), et Dylan Dog. Il est difficile pour le lecteur français d'aujourd'hui de se faire une idée, car il n'y a plus d'adaptation Vf en kiosque, ni en librairie. J'ai contacté voilà peu Clair de Lune, qui traduit Tex, en offrant mes services pour ranimer Zagor, mais j'ai essuyé un refus type assez froid et fort décevant. Du coup vous ne pourrez vous rabattre que sur d'anciennes mais très bonnes aventures, proposées sur un mensuel petit format et noir et blanc (encore plus petit que l'original italien) du nom de Yuma. Aux éditions Lug, puis semic. Ou bien prendre des cours pour lire la langue de Dante, si ce n'est pas déjà le cas. Étant pour ma part parfaitement bilingue, je ne peux que vous encourager à vous jeter sur la Vo, qui elle est en bonne santé et vient de fêter un demi-siècle d'existence.


Mais pourquoi lire Zagor, me direz-vous? En quoi ce titre est-il proche de ce que nous pouvons trouver dans les comics américains, pourquoi souvent les lecteurs de l'esprit à la hache ne dédaignent pas non plus d'acheter Spider-Man et consorts? Tout d'abord, pour ces valeurs hautement nobles et chevaleresques de l'héroïsme désintéressé que le personnage professe. Son combat est destiné à être perdu dans les grandes largeurs. L'histoire nous enseigne que si Zagor est un des ardents défenseurs de la paix et d'une existence sereine entre indiens et nouveaux colons qui débarquent sur les terres vierges américaines (le récit est situé, grosso modo, aux alentours de 1830-1840), son combat connaîtra une issue tragique, et les peaux-rouges finiront par être défaits, destinés aux sinistres réserves, qui sont autant de prisons déguisées. Sans tenir compte des massacres, règlements de compte, et autres épisodes cruels qui marqueront leur cohabitation impossible avec l'homme blanc, venu se servir sans vergogne.