jeudi 30 novembre 2023

LE COLIBRI (De Francesca Archibugi)

 Le colibri, ce minuscule oiseau hyperactif, est capable de faire du surplace et, pour ne rien gâcher, de voler à reculons grâce à une quantité aberrante de battements d'ailes à la minute. Une merveille de la nature, certes, mais globalement assez idiot. Sérieusement, un volatile qui se démène comme un animateur de Cnews dopé à la cocaïne, juste pour rester en l’air, c’est une drôle de stratégie évolutive. Maintenant, imaginez Pierfrancesco Favino, ce monument de prestance qu’on verrait plutôt déguisé en manchot élégant sur une banquise, dans le rôle d’un… colibri. Vous visualisez ? C’est hilarant, non ?


Dans ce film, Favino incarne un médecin passablement mollasson, à mi-chemin entre la couille molle et l’âme torturée, et on nous déroule toute sa vie sous nos yeux. De son enfance où il était un gamin malingre jusqu’à ses derniers instants (dignes, touchants, mais pas franchement réjouissants). Le spectateur, quant à lui, est chargé de jouer à l’apprenti détective, car le film adore sauter joyeusement d’une époque à l’autre, entre flashbacks intempestifs et bonds dans le futur. Une gymnastique mentale obligatoire pour reconstituer ce puzzle temporel. Et, une fois qu’on commence à comprendre qui est qui, et surtout quand on est, le film se met enfin à révéler une profondeur insoupçonnée. On y explore des thématiques universelles et grinçantes : est-il héroïque ou tout simplement lâche de sacrifier son bonheur pour épargner la souffrance aux autres ? Entre amour et égoïsme, faut-il choisir ? Et si oui, lequel a le meilleur goût ? Le Colibri nous balance une vérité implacable : peu importe combien d’ailes vous battrez, combien de fois vous stagnerez ou reculerez pour "mieux avancer", la fin reste la même pour tout le monde. Le point final est inévitable. Mais avant ça, il y a la vie. Celle qu’on vit ou qu’on laisse filer en se demandant quelle est la meilleure manière de sortir de scène – alors même que toutes les répliques n’ont pas encore été jouées. Le film, parfois fragmenté et chaotique (comme la vie, tiens), flirte avec l'insignifiance, mais c'est précisément là qu'il devient universel. Entre drames, joies, peines, échecs ou triomphes, tout fait partie du menu. Inutile de trier votre assiette avec le bout de la fourchette pour ne garder que ce qui semble comestible : il faudra tout avaler, jusqu’à la dernière bouchée.



dimanche 26 novembre 2023

NAPOLEON (DE RIDLEY SCOTT)




Napoléon (de Ridley Scott)

Première règle importante au moment d'aborder le film Napoléon, qui tel un Bic 4 couleurs percé fait couler beaucoup d'encre : comprendre qu'il s'agit d'un long métrage de fiction, certes basé sur des faits bien réels, mais pas un documentaire historique, tourné pour les besoins de History Channel. Autre règle évidente à saisir :  l'histoire et la culture de France sont loin d'être des préoccupations prégnantes au moment d'obtenir des financements pour réaliser un blockbuster hollywoodien, censé rapporter des sommes colossales au box-office et à Apple. Bref, le réalisateur c'est Ridley Scott et pas Franck Ferrand, pour citer un de ces illustres guignols qui s'auto érigent, chez nous, en défenseurs de notre patrimoine poudré. Et puis l'histoire, c'est une question de point de vue, ça peut aussi et surtout s'écrire en fonction des victoires (et donc s'effacer pour les défaites); n'oubliez pas que si Napoléon est une pièce maîtresse de l'identité française de ces derniers siècles, il est aussi pour certains de nos voisins le "condottiere" d'une armée qui s'est livrée aux pires turpitudes, pillages, viols et autres petites espiègleries sur la grande route de la conquête universelle et de la Grandeur Française. 
Globalement bien troussé, ce Napoléon là hésite durant plus de deux heures entre la chronique sentimentale d'un futur empereur, réellement immature et sous l'emprise d'une femme aussi volage que nécessaire, et la chronique d'une ascension irrésistible, d'un général qui sait comment mener les batailles et les remporter, notamment grâce à une tactique infaillible, l'équivalent du 4-4-2 sur un terrain de foot, à savoir : déployer les canons et tirer dans le tas, sans se soucier du nombre de victimes. La belle reconstitution (qui ressemble à une partie d'échecs diabolique) de l'ultime boucherie, celle de Waterloo, met particulièrement bien en évidence ce que signifie l'expression "chair à canon", la manière dont certains grands noms sont rentrés dans l'Histoire, en jetant en pâture à l'ennemi et à la postérité des générations entières, qui se sacrifient pour que leur roi/empereur/commandant passent à l'éternité, sous la forme de statues recouvertes des déjections de pigeons, sur nos places publiques. Grandeur et décadence d'un personnage qui est aussi un mythe. C'est cela l'ironie du Napoléon de Ridley Scott, la version grand spectacle parfois pathétique, voire ironique, de celui qui reste avant tout un homme qui n'avait pas les codes de la noblesse et des grands noms de son époque, mais qui s'est installé à leur table, tout en s'essuyant les bottes sur les belles nappes des principales cours européennes. Un napoléon convaincu d'œuvrer pour la France et pour la paix, capable de trucider tout ce qui se dresse entre lui et ce joli rêve, mais qui pleurniche devant Joséphine de Beauharnais, même lorsqu'il prend la décision de la répudier. Et si finalement ce qu'on reprochait le plus au film de Ridley Scott, c'était de pointer douloureusement du doigt tout le ridicule qu'il y a dans ce genre de héros historique, dont les faits d'arme souffrent clairement d'une réinterprétation hagiographique outrancière ? Nous pouvons les pardonner; après tout, c'est du même mal dont souffrent aujourd'hui nos gouvernants, Macronette Premier, pour commencer.

jeudi 23 novembre 2023

LE DOCTEUR PETIOT



 Le Docteur Marcel Petiot, né le 17 janvier 1897 à Auxerre, était un médecin français, devenu tristement célèbre pour ses crimes pendant la Seconde Guerre mondiale. Au menu avec Petiot, un mélange de trahison, d'hubris incontrôlée, de délires et de meurtres en série, sans négliger une dose d'humour macabre telle que seule l'ironie du destin peut en apporter.

Petiot a connu une carrière médicale en dents de scie, avec des accusations antérieures de fraude et d'abus de confiance. Le type était probablement brillant, charmeur, mais cleptomane, machiavélique et enclin à chuter avant d'atteindre son objectif. Plusieurs personnes ayant croisé son chemin, dont une bonne/secrétaire/amante, disparurent mystérieusement, préfigurant ce qui allait devenir un des procès du siècle en France. Ce sont cependant ses activités pendant l'Occupation allemande qui l'ont catapulté dans la glorieuse infamie des serial killer bien de chez nous. Pendant cette période sombre de l'histoire française, Petiot a exploité les peurs et l'incertitude qui régnaient en offrant de prétendus services d'évasion vers l'Amérique du Sud pour ceux qui craignaient les persécutions nazies. Les juifs fortunés désireux d'échapper aux rafles allemandes devinrent son fond de commerce. 50 000 francs par personne, les bijoux cachés dans des poches cousues dans les vêtements, rangés dans des valises, avant la "disparition" du candidat à l'exil.  

Car le docteur Petiot avait une définition plutôt unique du mot "évasion". Au lieu de fournir un passage sûr vers une nouvelle vie en Argentine, Petiot attirait ses victimes dans son propre piège mortel. Il les persuadait de remettre toutes leurs possessions, affirmant qu'il les "désinfecterait" pour éviter les soupçons des autorités. Au lieu de cela, une fois à l'intérieur de son domicile, les victimes étaient tuées par injection de cyanure, qu'il présentait comme étant un vaccin nécessaire pour entrer sur le territoire américain. Les meurtres de Petiot ont finalement attiré l'attention des autorités en 1944, lorsque des voisins se sont plaints de l'odeur insupportable de la fumée émanant de sa cheminée. Lorsque la police est intervenue, elle a découvert un véritable charnier, avec des restes humains carbonisés et des effets personnels éparpillés. En tout, Petiot sera accusé formellement d'avoir éliminé 27 personnes. 

Le procès qui a suivi a été un spectacle choquant, avec Petiot se présentant comme un patriote français, prétendant avoir tué des "collabos" et des ennemis de l'état, pour lutter contre les nazis.  Le tout Paris a assisté médusé au spectacle judiciaire durant trois semaines. Selon les journalistes présents "si le verdict avait reposé sur un vote parmi l'assistance, Petiot aurait pu s'en sortir", ce qui en dit long sur la capacité de l'individu de séduire les foules, de dénigrer l'accusation, de railler le tribunal. Un show. Toutefois, les preuves contre lui étaient trop accablantes, et les témoignages des survivants ont révélé la vérité derrière son sinistre stratagème. Le 4 avril 1946, Petiot est condamné à la peine de mort par la guillotine. Le 25 mai 1946, il affronte la sentence sans faillir, presque sourire aux lèvres. La fascination du tueur en série, de celui qu'on surnomma aussi "Docteur Satan" prend fin, sans pour autant qu'on puisse déterminer ce qu'est devenu le riche butin accumulé (on parle de trente millions de nos euros actuels) qui semble avoir bel et bien disparu, à jamais.

mercredi 22 novembre 2023

THE KILLER (FINCHER SUR NETFLIX)




 The killer (de David Fincher / sur Netflix)

Exposer le synopsis de ce film est relativement simple : c'est le portrait d'un tueur, un assassin professionnel qui ne se préoccupe pas de savoir pour quelle raison il a été recruté, qui ne s'embarrasse pas de l'opinion politique ou du statut social de sa future victime. Place à Michael Fassbender en as de la gâchette taiseux et méthodiquement préparé. Avec une particularité : il ne manque jamais sa cible. Jusqu'au jour où fatalement, cela finit par arriver : ça se produit à Paris, il est alors contraint de fuir, regagner sa planque à Saint-Domingue tout en éliminant les traces derrière lui. Seulement voila, notre homme n'est pas le seul assassin sur le marché et un couple de ses collègues est venu lui rendre visite, torturant au passage sa petite amie pour obtenir des informations, une fois constatée son absence. Dès lors, dans un grand classique du cinéma américain d'action, c'est une vengeance qui commence. Notre protagoniste va remonter toutes les étapes du contrat qu'il a échoué à exécuter, zigouillant sur son passage ceux qui se sont retournés contre lui, jusqu'à se retrouver face à face avec "le client", celui qui au départ a initié la mission. Le tout avec une économie de moyens et de parole assez évidente, agrémentée d'une bande son pertinente qui se partage entre Trent Reznor et Les Smiths. Fincher s'est attiré les foudres de beaucoup de censeurs car il a choisi les dollars de Netflix, plutôt que le parcours traditionnel qui mène à la consécration sur grand écran. On lui reproche d'avoir livré un long-métrage mineur et de ne pas avoir fait preuve d'une originalité à toute épreuve. Moi qui suis fan de l'animal, je peux vous garantir qu'au niveau de l'ambiance, du savoir faire filmique et du caractère clinique du produit fini, la pâte du réalisateur est bien là. J'ai pris un plaisir certain à suivre ce "tueur", qui certes ne révolutionnera en rien le genre mais reste un divertissement très efficace, et qui en plus a le bon goût de ne pas s'éterniser pendant trois heures. L'art aussi de passer entre les gouttes à une époque où tout est conservé sur caméra, tout est enregistré, catalogué, fiché. Fassbender (sans nom véritable et certain) traverse une série de lieux qui n'en sont pas vraiment, fait de l'attente et de l'ascèse un modus operandi gagnant, laisse l'empathie et la pitié au placard. Froid et méticuleux, discret voire évanescent, le Killer peut être tout le monde, partout, mais surtout insaisissable. Comme le cinéma en 2023, dans votre poche, sur tous les écrans.

VINCENT DOIT MOURIR




 🎬 Vincent doit mourir (de Stéphan Castang)

Des heures après le repas, vous avez toujours en bouche la même question, la même sensation : impossible de déterminer si vous avez mangé salé ou sucré. Voilà l'impression ultime que laisse cet objet filmé non identifié, qui entend mêler dans le même élan histoire ultra violente, réminiscences zombies ou encore drame social. Au centre du récit, Vincent, qui bosse dans une start up informatique. Le jour où un nouveau stagiaire débarque, tout dérape. Le type éclate son laptop sur notre malheureux et se déchaîne sans raison. Pire encore, c'est ensuite le comptable de la boîte qui essaie de le planter avec un stylo et semble vouloir attenter à ses jours. Le début d'une longue liste : suffit d'un contact visuel et l'interlocuteur devient une bête féroce et Vincent une proie facile. Même les gamins des voisins s'y mettent, le facteur, tout le monde ! C'est d'ailleurs assez drôle, à bien y penser. Certaines scènes, surtout des répliques, assument pleinement ce comique à froid de l'absurde dramatique. Vincent doit donc changer de style et de cadre de vie, disparaître pour survivre, s'isoler. Avec en toile de fond le discours des psychiatres et de la DRH, qui tend à remettre en cause la victime, qui comme le veut la rengaine trop souvent entendue, "l'a finalement bien cherché". 

La violence, au dehors et en dedans. Des individus dont l'humanité semble bien fragile, une sorte de saleté existentielle qui se traduit concrètement par une lutte à mort dans une fosse sceptique, qui restera comme une des scènes les plus répugnantes de la décennie.  Vincent doit mourir n'est pas très propre. Ni dans son propos, ni dans sa technique, tant le premier film de Castang fleure bon (ou mauvais) l'amateurisme à de nombreuses reprises. On perçoit l'économie de moyens et des acteurs pas toujours irréprochables et convaincants (Karim Leclou fait le job, moins Vimala Pons, dont l'irruption dans le récit est le point le plus faible de l'ensemble). Une image et un savoir faire approximatifs mais revendiqués, un film qui échappe à toute tentative de dresser une morale et qui semble prendre un malin plaisir à viser le fond, non seulement pour le toucher, mais le racler, le creuser. Déconcertant et fascinant, on tient là un long métrage dont le lointain cousinage avec les épopées super-héroïques se résume à une malédiction indéfinie et incontrôlable, qui finit par s'étendre, jusqu'à la panacée des temps modernes, le confinement. En ce moment, le cinéma se découvre claustrophobe et y revient souvent. Si Vincent doit mourir, qu'au moins ce ne soit pas d'indifférence. Tentez l'expérience.

lundi 13 novembre 2023

L'ABBÉ PIERRE - UNE VIE DE COMBATS

 



🎬 L'Abbé Pierre - Une vie de combats (de Frédéric Tellier)

Une fois n'est pas coutume, je n'ai guère envie de faire de l'humour ou donner dans le second degré à outrance. Pourtant, il y aurait tout un tas de bons mots à exploiter avec ce film qui ressemble par moments à une véritable hagiographie d'Henri Grouès, celui que tout le monde connaît mieux sous le pseudonyme de l'Abbé Pierre. Rejeté par les Capucins, combattant dans l'armée durant la seconde guerre mondiale, initiateur d'une incroyable croisade contre la misère, incarnation de la France qu'on n'écoute pas et qu'on ne voit pas durant le terrible hiver 1954, le personnage est fascinant. C'est même, serait-on tenté de dire, un héros de cinéma dans la vie réelle. Benjamin Lavernhe est un Abbé remarquable et crédible, aussi bien dans la diction, la gestuelle, que dans la manière dont il est grimé par la production, à mesure que passe les ans. Mais tout ceci est un détail par rapport à l'essentiel du film. Peu importe les faits rapportés et la manière de conduire le récit (assez académique), là où le biopic fait mouche et sens, c'est dans la présentation, l'exposition de ce qu'est la religion catholique pour notre abbé. Nous sommes loin des fastes du Vatican, du tabou permanent, de la récupération assez insolite qu'au fil des siècles la droite bourgeoise et les nobles bien nantis on fait de la parole du Christ, quand celle-ci est en fait une sorte de verbe communiste explosif avant l'heure, une invitation à la révolte permanente. Une phrase résume cette philosophie. Lorsqu'on demande à l'Abbé Pierre, au crépuscule de ses jours, s'il cautionne la violence, il répond que cette dernière vaut toujours mieux que la lâcheté. C'est exactement ça, son combat, ses combats. Ne pas tendre la main et espérer l'aumône (un clin d'œil particulier à notre seigneur Macron Premier et tous les néolibéraux, pour qui la théorie du ruissellement reste le nec le plus ultra de l'économie et du discours social) mais trouver les ressources en soi-même pour ne pas accepter l'inéluctable, pour rendre au prochain sa dignité, l'aider à se relever et repartir au front. Alors oui, dit comme cela, ça peut être un peu naïf, mais si l'on cesse de croire à ce combat là, que reste-t-il donc à accomplir pour l'être humain sur cette Terre ? Réfuter ce message, pour le coup, ce serait le nihilisme absolu, ou pour employer d'autres mots, la société capitaliste néolibérale d'aujourd'hui, où celui qui s'arrête tombe, où celui qui ne produit pas n'est pas, où celui qui ne peut plus doit disparaître. Pour avoir incarné l'exact contraire de cette doctrine mortifère, l'abbé Pierre reste aujourd'hui une des grandes figures marquantes de l'histoire moderne de notre pays. Comme le disait le Jésus de Didier Bourdon, dans un des célèbres sketchs pastiches des Inconnus : aimez-vous les uns des autres, bordel de merde (Jésus II le retour).

mercredi 11 octobre 2023

BERNADETTE (De Léa Domenach)

 Bernadette (De Léa Domenach)


Un destin comme celui de Bernadette Chirac, née Chodron de Courcel, ne peut être traité au cinéma que sous forme de comédie. Insignifiante bourgeoise élevée aux bondieuseries, séduite par un petit-fils d'instituteurs corréziens aux dents longues, elle devient la première dame de France et la dernière roue du carrosse en ménage, soumise aux caprices et à la personnalité écrasante d'un mari volage et égocentré. Non pas que je la plaigne. Pour exister, Bernadette va devoir refaçonner son image. Image, pas sa personnalité, pas qui elle est véritablement. Une opération cosmétique initiée à l'écran par un conseiller (Denis Podalydes) qui met tout en œuvre pour la rendre populaire. C'est là qu'on peut alors sourire ou s'indigner. La métamorphose est à l'image du RPR d'alors. Une façade qui se veut proche des gens et respectable, avec en toile de fond un cynisme implacable et une série de casseroles qui pourrait remplir le bottin téléphonique d'avant Internet. Catherine Deneuve apporte à l'horripilante bonne femme un côté charmeur et glamour que l'originale ne possédait même pas. Son mari, Michel Vuillermoz à l'écran, se fait voler la vedette, par moments, par un Sarkozy/Laurent Stocker qui à défaut d'être un sosie crédible possède toute la panoplie gestuelle et dialectique du nabot pluri condamné et traitre à sa "famille". Je le souligne encore une fois, il s'agit d'une comédie, pas d'un documentaire ou d'une enquête sur des faits que beaucoup semblent avoir déjà oubliés. Certaines libertés prises avec la réalité historique sont dérangeantes et semblent vouloir réhabiliter un mari moins innocent/benêt que le long métrage le laisse supposer. Le plus mordant dans l'histoire, ce qui relève complétement de la farce, c'est de penser que les français ont pu s'accommoder quatorze ans durant de cette reine sénile des pièces jaunes et de son mari aux mains et aux poches pleines, sans s'insurger outre mesure. Cela étant dit, nous parlons d'un pays qui confie son destin à un nain bourré de tics et aux décisions dévastatrices, qui envoie un tortionnaire au second tour à plusieurs reprises, puis sa fille, ou offre sa croupe à Macronette Premier. De quoi produire de nombreuses suites hilarantes ou tragicomiques à Bernadette. On attend avec une impatience mal dissimulée Carla ou Brigitte (ou Jean Michel) dans les prochaines années.



vendredi 25 août 2023

BONI ET ANNA GOULD

 Difficile d'imaginer que cet hareng saur en costume, ce dandy efféminé qui pose vaniteusement, fut à la fin du 19e siècle le célibataire le plus courtisé de France, aussi bien pour ses titres de noblesse, son esprit, sa "belle tête d'ange" (rappelez-vous que les critères esthétiques changent notablement au fil de l'histoire).

Le marquis Boni de Castellane épouse finalement Anna Gould, l'héritière la plus fortunée d'Amérique. Une fille plutôt laide et rigoriste qui n'a à priori à rien à voir avec les goûts et la vie quotidienne de son mari. Mais qui apporte avec elle une somme colossale ! Boni est alors déchaîné : son train de vie (et celui du couple) devient absolument faramineux, il continue cependant de papillonner et de dénigrer sa femme même en public (un bon mot parmi d'autres : son meilleur profil, c'est de la voir de dot). Jusqu'au jour où il sera remercié sans ménagement, éconduit avec juste un carton de vêtements. Ce n'est pas la fin pour Boni, qui va passer des années à régler ses dettes : il va devenir marchand d'art et poursuivre jusqu'à la mort ce rôle de super dandy belle époque. Ce qui fascine chez lui, c'est cet étonnant mélange de panache, de distinction, d'arrivisme. Imaginer aujourd'hui un Boni à l'ère des réseaux sociaux est assez savoureux.

Anna Gould, de son côté restera toujours une héritière assez insignifiante. Un de ses frères sera par contre à la base du développement des casinos et du tourisme à Juan Les Pins et le fondateur du Palais de la Méditerranée à Nice. Privée de toute flamboyance, petite femme austère au physique peu engageant, intelligence loin d'être raffinée, elle aura été consciencieusement ponctionnée par le train de vie de Boni, mais aura vécu avec lui la seule partie de sa vie véritablement sous les feux de la rampe. Elle avait l'argent, lui savait comment et où le dépenser. Le couple était-il si mal assorti, en fin de compte ? 



samedi 22 juillet 2023

BARBIE (de Greta Gerwig)

 Barbie (de Greta Gerwig)


La sortie en salle du film Barbie est symptomatique de deux phénomènes. Une certaine infantilisation auto-infligée du public, mais aussi la panne de créativité évidente des studios, qui se tournent aujourd'hui vers la moindre adaptation possible d'un comic book, d'un jeu vidéo ou même d'une action figure (d'un jouet). Ces deux convergences réunies expliquent le succès attendu de Barbie, d'autant plus que la campagne publicitaire qui a précédé le long-métrage ressemble au matraquage d'une brigade de la BRAV-M durant une manifestation de gilets jaunes : implacable, personne n'est épargné et ça tape fort. Ceci étant dit, rien n'empêche que ce film soit une véritable réussite… ce qu'il aurait pu être, s'il avait exploité davantage le filon de la perméabilité qui s'opère entre le monde fictif du Barbieworld et notre univers bien réel, où rien ne fonctionne exactement comme chez les jolies poupées. Sans se contenter d'en dégager l'outrance, le ridicule. En gros, si le film avait choisi de ressembler un peu plus à Toy Story et un peu moins à un brûlot féministe. Car vous l'aurez compris, c'est cette seconde voie qui est privilégiée, passée la première demi-heure. Avec par ailleurs une leçon étrange, puisqu'il ne s'agit pas d'apporter un peu d'égalité ou de pointer du doigt des situations de déséquilibre scandaleux, mais de remplacer une domination (le patriarcat) par une autre, son exacte contraire, comme s'il n'était pas possible de trouver un juste milieu dans la fantomatique "guerre des sexes". D'ailleurs, si je n'ai rien à redire au sujet de la puissance et l'écrasante domination de l'homme à travers l'histoire, par rapport à la femme (si on considère l'accaparement des richesses, des postes de pouvoir et décisionnels) le film fait volontairement l'impasse sur la capacité qu'à la femme, juste parce qu'elle est femme - et donc aux yeux de l'homme féminine - d'avoir aussi des opportunités qui échappent à ses compétences et découlent de son être apparent… mais c'est un autre sujet et je préfère ne pas m'étendre; vu le climat actuel, ce serait comme jouer de la casserole dans un meeting de la majorité présidentielle, ça finirait mal. Au moins, les acteurs sont excellents et le film n'ennuie jamais. Barbie est en soi un très bon divertissement qui s'adresse un peu à tout le monde et c'est peu ou prou ce qu'on lui demandait. La fin est même très réussie; quelques minutes poignantes sans être trop lourdes. On reste donc sur un produit assez étonnant, compte tenu de l'idée saugrenue de départ, avec un réel capital sympathie. Il y a fort à parier que ce sera un des grands succès incontournables au box-office de 2023. Il ne me revient pas de dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose et d'ailleurs ce serait une interrogation stérile. Reste juste l'impression récurrente que ce qui devrait être un outil formidable et à encourager, le féminisme, a tendance à se transformer souvent en une arme, pour mener un combat au sens un peu trop littéral du terme. Barbie reste donc un film à recommander, tout en sachant que les attentes et les révélations métaphysiques et méta narratives que vous trouverez étalées comme de la confiture, dans bien des critiques de bien des journaux, ressemblent tout de même au service commandé de journalistes qui savent tout simplement prendre la bonne vague, au contraire de Ken sur une plage du Barbieworld.



dimanche 21 mai 2023

JEANNE DU BARRY : SULFUREUX ET ENNUYEUX ?

 🎬 Jeanne du Barry (De Maïwenn avec Maïwenn qui parle de Maïwenn etc...)

Appelons-la selon les modes et usages de l'époque. Favorite, gourgandine, escort girl, instagrameuse, bref, Jeanne est une fille du peuple dont la famille fait dans la cuisson du pain. Quitte à vendre des miches plus tard, autant que ce soient vraiment les siennes et qu'elles lui permettent de fréquenter le demi-monde parisien. Grâce au Comte Guillaume du Barry (Melvil Poupaud), elle parvient à se hisser dans le lit du Roi Louis XV et à gagner ses faveurs (presque) exclusives. Le couple est sulfureux pour son siècle, mais aussi pour le nôtre. Maïwenn vient d'agresser Edwy Plenel au restaurant et semble fière de ses exploits (à rôles inversés la carrière du journaliste serait enterrée six pieds sous terre; que c'est dur d'être une femme, systématiquement) tandis que les frasques de Johnny Depp (le Roi. Oui. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi) et de son ex femme ont fait les beaux jours des canards à ragots pendant des mois. Un Pirate des Caraïbes aussi crédible à Versailles que Bruno Le Maire dans la collection de la Pléiade. Avec un accent subtilement sous contrôle, bien aidé par une partition d'une grande sobriété (de mots, car à voir le visage bouffi de l'ancien Apollon, il en va différemment pour la bouteille et les anxiolytiques), l'américain incarne un souverain pâteux et pataud, usé par les fastes de la cour, dont le seul organe encore intact semble être celui qui frétille entre ses jambes à la vue de Jeanne. Un film qui déroule alors tout un discours sur les jeux de pouvoirs, sur la condition féminine, sur… pardon, je m'égare et je plaisante; Non, juste un film de Maïwenn qui parle de Maïwenn (je viens du peuple, rien ne me prédisposait à devenir réalisatrice, vous ne voulez pas de moi, et bien je suis là quand même et si je le souhaitais je pourrais être la Reine…). Certes, si les débuts didascaliques très poussifs - proches d'un documentaire pour classe de quatrième au collège - faisaient craindre la catastrophe industrielle, Jeanne du Barry devient au fil des minutes plus intéressant, plus drôle presque, et ne manque pas de charme par endroits. Mais sur le bulletin de fin de trimestre, la mention ne dépassera pas le "appliqué et besogneux, tant qu'on ne lui demande pas d'improviser". Avec un Louis XV sous Tranxene qui est entré au château parce qu'il y a vu de la lumière, et une néo-comtesse égocentrique qu'un vase en or 24 carats rend tout de suite plus aimable, on est finalement peu surpris que l'histoire se soit terminée deux décennies plus tard avec des têtes dans une malle en osier. Les mêmes têtes que beaucoup aimeraient voir rouler à Cannes et qui regrettent que la lame hashtag me too hashtag superwokisme semble émoussée en cette fin de printemps.



vendredi 19 mai 2023

LE TROISIÈME VOLET DES GARDIENS DE LA GALAXIE

 Pour comprendre en quoi le départ de James Gunn vers DC Comics est une bourde invraisemblable, il suffit de faire la comparaison avec une finale hypothétique de Champions League, les dernières minutes d'un match serré. Imaginez le dernier défenseur, seul dans sa surface, qui au lieu de renvoyer le ballon en cloche pivote et adresse une invraisemblable reprise de volée dans la lucarne de son propre gardien. C'est exactement ce que Marvel est parvenu à faire avec le réalisateur qui a signé (probablement) trois des meilleurs films de super-héros jamais vus au cinéma. Et du reste, Gunn s'en va sans avoir besoin de beaucoup d'artifices, sans hausser la voix, sans jouer dans la surenchère ; il reprend les personnages qu'il connaît et emploie à merveille, pour un ultime baroud d'honneur parfaitement cohérent et chargé d'une émotion jusqu'alors inconnue au spectateur. Le troisième volet est tout particulièrement centré sur les failles de certains des personnages et la manière dont ils vont être capables de les combler, notamment en acceptant qui ils sont, d'où ils viennent et donc par la-même, où ils pourraient un jour aboutir. Certains n'ont pas le choix, comme Rocket Raccoon, qui est littéralement abattu et qui doit être sauvé de la mort par une opération complexe, nécessitant des informations qu'il avait jusque là cachées à ses compagnons d'armes. Son raton plongé dans une sorte de coma, le film est alors truffé de flashback qui nous ramènent à l'époque où simple petit rongeur innocent, il est la victime des expériences génétiques eugénistes du Maître de l'évolution, qui l'utilise dans sa quête folle de l'élaboration d'une race parfaite, à qui il compte offrir en héritage un double de la terre, la Contre-Terre. Des expériences atroces, mais aussi pour le raton la découverte de la solidarité, l'entraide, de l'amitié, auprès d'autres animaux victimes du même charcutage. Des liens qui évidemment vont faire tirer des larmes à une bonne partie du public lorsque viendra l'inévitable moment de la séparation, du drame et donc de la définition de ce que sera par la suite le personnage du Raccoon, qui n'est pas devenu aussi violent et en apparence cynique du jour au lendemain, mais qui est le fruit d'un long cheminement tragique. Les failles concernent aussi Peter Quill, qui a bien du mal à accepter de voir mourir ou disparaître autour de lui les seules personnes à qui il tient vraiment. La dernière en date, Gamora, n'est pas tout à fait morte mais la version qui subsiste a peu de rapport avec celle qu'il a aimée. Imperméable aux sentiments et aux souvenirs de Star-Lord, ce monstre de glace ne fait que renvoyer à notre héros ses propres imperfections, ses propres échecs. Mais en réalité, cette manière d'écrire le film concerne tous les autres personnages : de Drax, blessé dans son imbécilité profonde et qui va se révéler in fine beaucoup plus subtil qu'il ne semble au premier abord, à Mantis et une forme souhaitée d'émancipation, sans oublier Nebula, dont la carapace va peu à peu se fendre enfin. Bien entendu, si une grande partie du film repose sur des événements assez tragiques et une bonne dose de pathos, le style habituel qui nervure les films Marvel studios, c'est-à-dire une douce ironie et un humour omniprésent, est également de la partie. Mais il est beaucoup mieux dosé et inspiré que dans la plupart des films récents, qui avaient tendance à aborder les longs-métrages comme de vastes blagues potaches sans queue ni tête. Il faut dire également que ce Gardiens de la Galaxie 3 présente un super vilain (mais en est-il vraiment un ?) de qualité, bien écrit et dont les motivations sont clairement définies. Le Maître de l'évolution (interprété par Chukwudi Iwuji) est une sorte de dieu autoproclamé qui a renoncé à ses émotions; poussé par un but absolument égoïste, il se lance dans une quête de la perfection mortifère. Les raisons qui font qu'il est particulièrement pressé de s'emparer de son ancien cobaye, le fameux  Raccoon, sont plus subtiles qu'elles ne semblent initialement et la vérité est dévoilée en toute fin de film, dans une autre de ces scènes poignantes dont James Gunn a le secret.



Certes, lorsqu'il s'agit de mettre en scène un aussi grand nombre de personnages, il est inévitable de courir le risque d'en oublier en route ou de ne pas pouvoir donner à chacun les mêmes temps forts. James Gunn s'en sort relativement bien, à une exception près, à savoir la new entry probablement la plus attendue, Adam Warlock (interprété par Will Poulter). Dans les comics également, ce héros débute sous la forme d'une feuille vierge, d'un adulte sans la moindre expérience, venu au jour sans amour, sans avoir été préparé, construction artificielle qui allait mettre bien du temps à trouver vraiment sa place dans l'univers. Mais il ne faut pas confondre la naïveté et l'ignorance d'une créature encore en devenir avec la bêtise profonde. Ici, Warlock est avant tout utilisé pour actionner les différents ressorts comiques qui traversent le film et tout ce qui peut faire la grandeur ou l'aspect solennel de ce personnage (dans les comics Marvel) est absent sur grand écran. C'est dommage car il aurait pu permettre d'introduire de nouvelles thématiques, d'insuffler encore plus d'ambition dans le film de James Gunn, de le diriger presque vers le chef-d'œuvre absolu. Au lieu de cela, ça reste un excellent divertissement mais qui ne propose à rien de radical ou de révolutionnaire. Mais globalement, il convient de dire qu'il s'agit sans aucun doute du film de super-héros le plus agréable et le plus concret de tout ce qui a été offert lors de ces deux ou trois dernières années. Il ne faut pas se tromper sur qui est la cible de ce genre de produit. L'ambition n'est pas de décrocher une Palme d'Or au Festival de Cannes mais de rentabiliser très rapidement les coûts de production et d'affoler le box-office à travers la planète. James Gunn est en ce sens celui qui connaît le mieux les cordes sensibles des spectateurs et qui parvient à les actionner, sans pour autant trop concéder à la mièvrerie et à la facilité. On pourra lui reprocher d'emprunter toute une série de raccourcis (et il y en a des tas dans ce film) mais il garde suffisamment d'inventivité, d'honnêteté et d'amour pour ses personnages pour nous convaincre que l'ensemble tient debout et vaut la peine d'être vu. On appréciera également toute cette partie située dans une sorte d'usine quartier général fantasmagorique, perdue dans l'espace, constituée d'un organisme vivant macroscopique dans lequel doivent pénétrer les Gardiens, pour obtenir les éléments nécessaires à la survie de leur ami Raccoon. Une créativité qui trouve son pendant contraire dans des choix musicaux un peu convenus et sur une alternance désormais établie, à la limite de la nonchalance, entre scènes d'action et interludes rythmée, avec la sempiternelle cassette diffusée à plein volume dans les écouteurs ou le circuit audio du vaisseau des Gardiens. Ce troisième volet est d'autant plus réussi qu'on n'essaie pas de gratter en profondeur, mais quand on l'observe dans sa globalité pour ce qu'il est, en lui pardonnant ce qu'il ne pourra jamais être. On passe alors un très agréable moment avec la sensation qu'il est encore possible de s'enthousiasmer pour des super-héros au cinéma. Pour une véritable dissection de cinéphile et l'impression qu'un nouvel horizon semble poindre pour le genre, évidemment, le spectateur peut repasser.