Une des résolutions les plus naïves et répandues, au tout début du confinement fut la suivante : avec tout ce temps libre, rester à la maison toute la journée, je vais enfin pouvoir me consacrer à la lecture!
Sauf que lire, lire vraiment et pas seulement survoler les programmes de seconde partie de soirée dans Télé Z ou les papiers d'Eric Zemmour dans le Figaro, ce n'est pas qu'une activité récréative qu'on peut pratiquer sans y penser, sans s'y investir, sans y être prêt.
Lève donc la main celui ou celle qui est parvenu à lire tout ce qu'il imaginait ou envisageait de lire en l'espace d'un mois de confinement... Pas moi. Preuve en est que la privation des libertés les plus fondamentales occupe une place importante dans nos pensées, même quand nous sommes peu ou prou convaincus de ne pas y penser. La lecture, souvent comparée à une forme "d'évasion" compose aussi avec la réalité, l'impossibilité de la véritable évasion, celle du corps physique, qui se heurte à l'impacable limite temporelle des soixante minutes, et métrique, avec le kilomètre consenti pour les promenades. Notre quotidien ressemble ainsi à un fort mauvais épisode apocryphe de la série Le Prisonnier, avec la brigade verbalisante en lieu et place du ballon blanc géant, et de surcroît vicié par la menace invisible d'un virus dont les médias nous entretiennent de l'heure du petit déjeuner à celle du coucher.
La lecture peut-elle quelque chose pour nous? Bien entendu, c'est une des merveilles de l'humanité, une arme même, quand on sait la manier et vers qui la retourner, mais la lecture n'est que le prolongement du lecteur, qui rarement comme aujourd'hui s'est jamais senti aussi vulnérable, au point de ne pas pouvoir cacher complétement cette fragilité derrière les pages, les mots.
Pour nous avoir gâché cette incroyable chance de décompresser et de lire, enfin, y compris pour cela, on ne vous oubliera pas.
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