vendredi 28 février 2025

ROM : L'OMNIBUS CHEZ PANINI COMICS




 Il existe une similitude frappante entre le personnage de Rom et celui du Surfer d'Argent, que vous connaissez probablement bien mieux. La grande différence, c'est que Rom n'est pas un super-héros inventé par Stan Lee à l'âge d'or de sa créativité diabolique, mais un jouet dont Marvel a acquis les droits afin d'en faire un comic book. Bonne nouvelle : tout restait à écrire ! En dehors de l'apparence de ce cyborg venu d'une autre planète, tout n'était encore qu'une page blanche sur laquelle la Maison des Idées allait pouvoir projeter ses propres élucubrations. C'est Bill Mantlo, scénariste chevronné et l'un des auteurs phares de la grande époque des années 1970 et 1980, qui va donner corps à la saga des Chevaliers de l'Espace. Rom vient d'une lointaine galaxie, où son monde natal, Galador, a été menacé par l'invasion d'une race belliqueuse dotée de pouvoirs mystiques : les Spectres Noirs. Pour les repousser, l'élite de la jeunesse galadorienne s'est portée volontaire afin d'être transformée en créatures mi-humaines, mi-machines, à mi-chemin entre le robot géant lourdement armé et l'être de chair. Rom est l'un des plus célèbres d'entre eux et, lorsque commence notre histoire, il semble être le dernier survivant de cette unité d'élite qui s'est mesurée aux Spectres Noirs deux siècles auparavant. Pendant ce laps de temps, le Chevalier Blanc – en raison de l'armure qui recouvre son corps – a traversé le cosmos et vécu de nombreuses aventures avant de finalement débarquer sur Terre, où il poursuit inlassablement sa mission. Car depuis ces sinistres événements, les Spectres Noirs ont compris qu'ils pouvaient coloniser notre monde en prenant les traits d'humains ordinaires : journalistes, policiers et, pire encore, hauts responsables des services secrets, y compris jusqu'au Pentagone et au sein du SHIELD. On pourrait croire qu'en dépit de son apparence inquiétante, Rom réussirait à convaincre les Terriens de la noblesse de son combat. Mais son plus grand problème réside dans son arme fétiche, le Neutraliseur, qui lui permet de bannir les Spectres Noirs dans la dimension des Limbes – car il refuse de les tuer, même s'ils sont ses ennemis acharnés. Or, pour nous, simples mortels, la scène est trompeuse : nous ne voyons qu'un humain semblant calciné sous les effroyables rayons de l'extraterrestre, alors qu'en réalité, il ne s'agissait que d'une vile imposture, un ennemi dissimulé préparant la conquête de notre planète. L'unique alliée de Rom au départ est une jeune femme du nom de Brandy, la seule à comprendre ce qui se trame réellement. Elle est profondément marquée par la noblesse d'esprit de cet être fusionné à son armure. De son côté, Rom n'est pas insensible à son charme, bien qu'il refuse de s'autoriser de véritables sentiments. Problème : Brandy a déjà un petit ami, un certain Steve, qui est initialement persuadé que l'extraterrestre est un criminel. Peu à peu, il sera bien forcé d'admettre la vérité, tout en conservant une pointe de jalousie, digne des plus belles heures du soap opera à la sauce Marvel – un ingrédient qui, il faut bien l'avouer, a largement contribué au succès et à la richesse des comics de l'âge d'argent et de bronze.



Le triangle amoureux entre Rom, Brandy et Steve ne se limite pas à un simple artifice narratif, il constitue l’un des moteurs essentiels de l’action. L’intrigue atteint son paroxysme lorsque le fiancé officiel est remplacé par un Spectre noir qui s’apprête à épouser la jeune femme en détresse. Pendant ce temps, le véritable Steve croupit dans une cellule, aux côtés d’un journaliste ayant découvert la vérité sur ces créatures extraterrestres grâce à ses photographies. Bien sûr, le prisonnier parvient à s’évader de manière rocambolesque et interrompt la cérémonie in extremis, sauvant ainsi sa promise d’une union contre nature. Ce mariage à tout prix soulève d’ailleurs bien des interrogations : pourquoi les Spectres noirs tenaient-ils tant aux épousailles ? Leurs objectifs semblent pour le moins étranges pour des entités venues des confins de l’espace. Dans les pages de ce premier omnibus (le premier d’une trilogie prévue), on croise également d’autres personnages de l’univers Marvel, bien qu’ils tardent à réaliser l’ampleur de la menace et donc à intervenir. Au début, seuls des seconds couteaux, comme le Penseur Fou ou un jeune Valet de Cœur, croisent la route de Rom. Mais très vite, des figures plus notables apparaissent, notamment les X-Men (ensuite Nova, ou Galactus), impliqués dans un arc narratif tragique en deux épisodes. Ces derniers se retrouvent confrontés à une créature hybride, née de l’union contre nature d’un Spectre noir et d’une Terrienne. Comment deux espèces aussi dissemblables ont-elles pu engendrer une telle progéniture maléfique ? Mystère. Toujours est-il que cela s’est bel et bien produit. Rom joue habilement la carte du récit conspirationniste. D’abord, parce que les humains sont incapables de percevoir les Spectres noirs à l’œil nu. Ensuite, parce que ces derniers ont infiltré les plus hautes sphères du gouvernement, rendant impossible toute distinction claire entre alliés et ennemis. À chaque page, le doute plane : qui est digne de confiance ? Qui est un traître ? Qui tire réellement les ficelles ? Bill Mantlo mène cette intrigue d’une main de maître, d’autant plus que nous sommes au début des années 1980, une époque où l’imaginaire et l’émerveillement prenaient le pas sur toute exigence de réalisme. L’objectif était avant tout de proposer une bande dessinée divertissante, horrifique et pleine de rebondissements. Peu importait si la science ou la logique venaient contredire certains coups de théâtre ! Le dessinateur de ce premier omnibus est Sal Buscema, petit frère de John Buscema et artiste injustement sous-estimé, malgré son empreinte indélébile dans l’histoire de Marvel. Son style nerveux et anguleux est parfaitement adapté à un récit où les personnages sont constamment traqués, choqués, acculés. Il excelle dans la transmission des émotions fortes, insuffle à chaque planche une tension latente et une expressivité vibrante. Même lorsqu’il est contraint de travailler à un rythme effréné, au détriment du soin apporté aux détails, son talent reste indéniable. À la fin de l’ouvrage, on retrouve également des récits complémentaires intitulés Saga of the Spaceknights, qui, en cinq pages à chaque fois, reviennent sur les premières années de lutte de Rom et de ses compagnons, notamment Starshine et Terminator. Ces deux guerriers, symbolisant respectivement la lumière et l’ombre, l’accompagnent depuis le début de sa grande mission. Il aura fallu attendre quatre décennies pour voir enfin cette épopée publiée en intégralité dans de beaux albums en librairie. Jusqu’ici, toutes les tentatives de compilation avaient été compromises par des problèmes de droits, rendant la réédition des plus de 70 épisodes extrêmement compliquée. Dès la sortie de ce premier omnibus chez Panini, des critiques ont cependant émergé concernant la qualité de la traduction. Jérémy Manesse a en effet choisi de franciser tous les noms de personnages : ainsi, Starshine devient Lumina, et Deathwing se transforme en Morte-Aile. Un choix curieux, surtout pour un lectorat majoritairement nostalgique. Cela mis à part, la traduction ne comporte pas d’erreurs majeures ni de coquilles flagrantes, même si quelques fautes se glissent ici et là. Si vous envisagiez d’acheter cet ouvrage, il n’y a donc aucune raison de vous en priver, d’autant plus que les épisodes publiés à l’époque dans le magazine Strange avaient été massivement censurés et imprimés sur un papier de qualité indigne. La série avait même fini par être purement et simplement abandonnée. Aujourd’hui, les temps ont bien changé pour les comics en France, et c’est tant mieux. Le grand shoot de nostalgie hivernal nous vient de Galador, et on aurait tort de bouder notre plaisir !



lundi 24 février 2025

EN FANFARE (de Emmanuel Courcol)

En fanfare (de Emmanuel Courcol)

Thibaut et Jimmy, séparés dès leur plus jeune âge, se retrouvent une fois adultes par un hasard ironique du destin : Thibault a besoin d’une greffe de moelle osseuse et découvre à cette occasion la vérité sur sa famille biologique. Tout les oppose. Thibaut (Benjamin Lavernhe) a grandi dans une famille adoptive aisée à Medon et il est devenu un chef d’orchestre de renommée internationale. Jimmy (Pierre Lottin), lui, a vécu son adolescence dans un petit village du Nord de la France, où il travaille aujourd'hui dans une cantine, tout en vivant sa passion pour la musique au sein d’une fanfare locale. Dès les premières minutes, le film s’impose comme une réflexion sur le déterminisme social : jusqu’où notre milieu de naissance façonne-t-il notre destin ? À quel point conditionne-t-il nos études, nos opportunités, notre réussite ? Spoiler : naître à Tourcoing ou Levallois Perret et Neuilly-sur-Seine, ce n'est pas exactement la même expérience.

Le constat est implacable : pour certains, peu importe le talent ou la volonté, certaines portes ne s’ouvrent jamais – ou plutôt, on ignore même qu’elles existent. Grandir sans le capital culturel et social adéquat, c’est comme vouloir jouer du violon avec des moufles : on peut toujours essayer et faire preuve d'acharnement, mais le résultat risque de manquer de finesse. Thibault, en étant adopté par une famille fortunée, a remporté sans raison le ticket gagnant de la loterie sociale, même si le destin lui présente un autre type de compte sous forme d’une maladie qui le frappe à l’âge adulte. L'amour commun des deux nouveaux frangins pour la musique est l'autre fil rouge du film, une passion vibrante qui les relie au-delà des barrières sociales. Mais si l’un a vu ses portes s’ouvrir naturellement vers les grandes salles de concert, l’autre a dû se contenter de forcer celles des bistrots de village. Et en parlant de portes, certaines (déjà grandes ouvertes) sont ici enfoncées avec une insistance qui frôle parfois la caricature. Pourtant, difficile de nier la justesse du propos : la France du trombone et des majorettes n’est pas celle du piano et de l'opéra. Il y a d’un côté ceux qui connaissent Aznavour ou Sardou par cœur, et de l’autre ceux qui dissertent sur un obscur trompettiste jazz new-yorkais. Ou encore l'intimité et la fraîcheur de la bière contre un jus d'ananas, en guise de verre de bienvenue. Un grand écart qui est aussi patronymique, donc à relier à l'identité même de l'individu, condamné à être ramené à son déterminisme, juste par l'appel.  Et forcément, dans un tel contexte, le Nord est peint avec ses clichés habituels : la misère sociale, les usines qui ferment, mais aussi la chaleur humaine et la générosité, sans oublier les épreuves et l'indigence qui se lisent dans les corps, les postures, les mots. Simpliste, le raccourci ? Un peu. Fidèle à la réalité ? Assez, pour qu’on ne puisse pas entièrement s’en offusquer. En Fanfare est un film assez sincère, touchant, parfois un brin appuyé dans ses démonstrations, mais qui réussit à capter un écart social abyssal avec une véracité indéniable. Il plaira à ceux qui apprécient les récits à la fois tendres et amers – et agacera ceux qui n’aiment pas qu’on leur chatouille les narines pour les faire éternuer ou pleurer sur commande. Mais à voir, indéniablement. 


 

vendredi 21 février 2025

ESTHER LACHMANN, DITE "LA PAÏVA"

 Esther Lachmann, dite "La Païva" (1818-1884)


L'histoire de La Païva est celle d'une ascension fulgurante, marquée par l'ambition, la détermination et un sens aigu de la manipulation sociale. Née Esther Lachmann en 1818 dans le ghetto juif de Moscou, elle grandit dans une pauvreté extrême, bien loin du faste et de l'opulence qui marqueront plus tard sa vie. Pourtant, cette jeune fille au regard vif et à l'esprit acéré n'avait pas l'intention de se laisser enfermer dans la misère. L'ingéniosité féminine et l'ambition, un cocktail souvent détonnant. À seulement 17 ans, elle épouse Antoine Villoing, un modeste tailleur français, mais s'empresse de fuir ce mariage peu prometteur pour tenter sa chance sous des horizons plus fortunés. C'est ainsi qu'elle arrive à Paris, ville de tous les possibles, où elle entame une carrière dans la prostitution avant de déployer ses talents de courtisane (de grisette à escort girl, pour résumer cet avancement de carrière). Avec une habileté remarquable, elle parvient à s'attirer les faveurs d'hommes influents, parmi lesquels le pianiste et compositeur Henri Herz, dont elle dépense sans scrupule l'immense fortune (bien aidée par l'insondable bêtise du bonhomme, une véritable carpette aux pieds de la belle). Rapidement, son nom circule dans les salons parisiens. Elle devient l'une des femmes les plus recherchées du Tout-Paris, usant de son charme et de son intelligence pour gravir les échelons. En 1851, elle parvient à contracter un mariage d'intérêt avec le richissime Albino Francisco de Araújo, un Portugais fortuné qui lui confère le titre de marquise de Païva. L'union ne dure pas : le couple se sépare au lendemain des noces, laissant à Esther un train de vie toujours plus enviable.


Mais c'est avec Guido Henckel von Donnersmarck, un industriel prussien immensément riche, que La Païva atteint le sommet de sa puissance. Amoureux transi, il lui offre en 1865 un véritable palais sur les Champs-Élysées, un chef-d'œuvre architectural digne d'une princesse. Ce somptueux hôtel particulier, doté d'un escalier en onyx jaune — une folie extravagante pour l'époque — devient le théâtre des réceptions les plus fastueuses du Second Empire. La Païa y reçoit l'élite intellectuelle et politique de son temps, fascinée autant par sa beauté que par son audace. Cependant, son histoire prend une tournure plus tragique avec la guerre franco-prussienne de 1870. En raison de ses liens avec un noble prussien, elle est soupçonnée d'espionnage, ce qui lui vaut la haine de nombreux Parisiens. Réfugiée à l'étranger, elle finit par épouser officiellement Donnersmarck, mais son influence et son prestige sont irrémédiablement entachés. Elle s'éteint en 1884 dans son château de Silésie, aujourd'hui en Pologne, loin de la capitale où elle avait régné en souveraine officieuse du demi-monde. L'histoire de La Païva est le reflet d'une époque où les femmes, privées d'accès au pouvoir officiel, devaient user d'autres stratagèmes pour s'imposer. Mais parlons nous vraiment d'une époque révolue ? En d'autres temps, elle aurait pu aussi être une instababe, une influenceuse aux millions d'abonnés, une invitée récurrente des plateaux de télévision chez Hanouna ? Qui sait ? Toujours est-il qu'elle a laissé une trace indélébile dans l'histoire du Paris mondain du XIXe siècle. Comme le disait avec ironie un dicton de l'époque : "Chez La Païva, qui paye, y va"... L'ingéniosité féminine…



mercredi 19 février 2025

THEO HERNANDEZ (OU IBRAHIMOVIC) : LE MAL ALPHA

 Nous avons tous croisé, au cours de notre scolarité, des individus comme Théo Hernandez ou Zlatan Ibrahimovic. Ces garçons, dont l’exubérance physique s'épanouit dès l’adolescence, les démarquent instantanément de la masse. Leur stature athlétique leur assure une popularité écrasante, adulés par les gamines et leurs hormones épatées, et les cancres fascinés. Toujours en équilibre sur la fine frontière du harcèlement, ils oscillent entre deux attitudes : vous adouber et vous intégrer dans la cohorte servile de leurs suiveurs, ou bien vous prendre en grippe et vous reléguer à la caste des souffre-douleur. Pour eux, l’infériorité athlétique s’accompagne généralement d’une intelligence suspecte, redoutée et méprisée à la fois. Car il faut bien le dire, ces grands gaillards, surdoués pour la course, les sports de combat et l’accès à la sexualité précoce, se révèlent souvent bien moins flamboyants quand il s’agit de lire un texte à voix haute ou d’aligner deux chiffres dans une opération mathématique. Position latérale de sécurité pendant la dictée et le contrôle d'histoire géographie. Mais, par chance pour le reste de l’humanité, ces colosses aux pieds d’argile finissent, à leur maturité, par être rattrapés par la patrouille impitoyable de la réalité. Ils échouent alors dans des postes subalternes, chauffeur routier, déménageur ou, pour les plus chanceux, gendarme, l’un des rares métiers où le vide sidéral dans lequel baigne une cervelle atrophiée peut paradoxalement devenir un atout pour l’ascension professionnelle.


Mais, parfois, une infime minorité d’entre eux accède à la gloire et à la célébrité. Dans un monde où taper dans un ballon est infiniment mieux valorisé et mieux rémunéré que sauver des vies dans un bloc opératoire, certains de ces spécimens décrochent la consécration ultime. Ils deviennent alors des demi-dieux modernes, des entités intouchables à qui tout est pardonné, dont les moindres écarts sont excusés au nom du "génie" sportif. Bardés de tatouages, la coupe et la couleur de cheveux improbables, érigés en anti-modèles permanents d’un système où l’agressivité et la vulgarité suscitent l’adoration, ces champions du néant finissent par incarner la version 2.0 du mâle alpha. Or, le véritable mâle alpha, par essence, devrait être un leader, un guide. Celui qui, par sa force et son charisme, montre l’exemple, insuffle du courage aux plus faibles, prend ses responsabilités dans les moments tragiques. Il devrait ouvrir la voie, inspirer, élever le collectif. Mais les Théo et les Ibra, eux, ne sont rien de tout cela. Leur vision du leadership repose sur l’écrasement de l’autre, la dérision comme arme principale, la domination par la violence. Pour eux, le chemin le plus court vers le succès reste l'autoroute de l’intimidation et du mépris, voire de la tricherie. Le mal alpha. Ces bestiaux-là ne savent ni s’intégrer à un collectif ni apporter quoi que ce soit à la communauté. Ils ne vivent que pour eux-mêmes, obsédés par leur propre image, trop occupés à huiler leurs muscles devant le miroir pour offrir aux esprits les plus crédules l’illusion d’un dieu grec des stades, en lieu et place de la petite frappe du quartier. Et lorsqu’ils finissent par chuter, car ils chutent tous, ils masquent leurs échecs sous un vernis de promesses creuses et de postures artificielles. Ils deviennent alors des personnages grotesques, les caricatures pitoyables d’une société du spectacle qui glorifie l’apparence et l'insubordination, c'est-à-dire la rébellion égocentrique de ces petits garçons pourris jusqu'au trognon. 



lundi 17 février 2025

SERVANE MOUTON : ÉCRANS, UN DÉSASTRE SANITAIRE (TRACTS GALLIMARD)

 Il fut un temps pas si lointain où remettre en question le passage au tout-virtuel et l’intronisation de la tablette comme Saint Graal de l’Éducation nationale relevait du blasphème. L’enthousiasme technophile était à son comble, et toute réserve était balayée d’un revers de main condescendant. J’appartiens à cette génération qui a vu, jour après jour, le numérique s’infiltrer dans chaque interstice de l’existence, jusqu’à en devenir le centre névralgique. J’ai fait mes premiers pas à l’université à l’aube de la révolution Internet, un moment où la promesse d’un accès infini au savoir suscitait encore un espoir sincère. Mes recherches passaient par Lycos, mon courrier était envoyé avec Caramail, mes téléchargements duraient la nuit entière, voire le jour suivant, sur cette bonne vieille mule fatiguée.

Mais j’ai également la chance d’appartenir à l’ère précédente, celle des individus qui peuvent encore prendre du recul, des heureux utilisateurs qui ont appris à distinguer l’outil de l’aliénation. Or, qu’en est-il des plus jeunes ? En tant qu’enseignant, j’ai acquis la certitude que la dégringolade du niveau scolaire n’a rien d’une illusion et que les écrans omniprésents y jouent un rôle central. Ils scandent désormais leur quotidien, envahissant à la fois l’apprentissage, le suivi à la maison et les loisirs. Le résultat ? Une course effrayante au vide, qui frappe d’abord les populations les plus fragiles, celles où les repères éducatifs sont plus diffus, où personne ne freine l’inexorable glissement vers l’abrutissement. Avec la complicité du corps enseignant (les fameux groupes Whatsapp dès la pré-rentrée et l'idée que si tu n'en fais pas partie, c'est nécessairement que tu n'aimes pas ton métier, ou que tu n'es qu'un troglodyte récalcitrant) et des parents, qui constatent l'appauvrissement de leurs chers bambins mais sont bien heureux de les suivre à la trace sur Pronote, Atrium, tout en se félicitant de l'allégement du poids des cartables, célébrissime excuse qui fut le point de départ de la grande mutation. Un peu plus de temps consacré à l'éducation sportive et quelques heures en moins devant les écrans auraient eu des effets bien plus positifs et immédiats, mais les familles souhaitent avant tout avoir la paix. Pendant que le fiston descend du zombie dans son espace virtuel, dans la moiteur de sa chambre d'ado, maman et papa ont la paix, à l'heure de TPMP.


Car il faut bien voir ce que beaucoup ont nié avec une mauvaise foi crasse : la technologie dominante n’a jamais été un projet émancipateur, mais un marché tentaculaire. L’Éducation nationale s’est jetée sur le numérique sans le moindre recul critique, investissant des sommes colossales sans se demander si l’outil tenait ses promesses. Très vite, les premiers signaux d’alerte sont apparus : les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Mais entre-temps, le rouleau compresseur était en marche et tout le monde (ou presque) apportait son sacrifice sur l'autel de la Sainte Connexion. Aujourd’hui, il devient difficile d’ignorer le désastre. Réseaux sociaux gangrenés par la bêtise et la haine, manipulation de masse transformant des pans entiers de la population en automates, intelligence artificielle menaçant déjà de saper les fondements de notre civilisation : il ne s’agit plus de pessimisme, mais d’un simple état des lieux. Une analyse lucide de la catastrophe en cours s’impose, même s’il est probablement trop tard pour la corriger. Les salles de cours sont devenus des salles de shoot, où les clients les plus accrocs tentent distraitement de lever une main ou de suivre un exposé, le portable en mode vibreur dans le calbut ou la trousse, en attente des prochaines notifications.

Ce petit livre, publié dans la collection des Tracts de Gallimard, a au moins le mérite de briser l’omerta. Ce qui, au départ, n’était qu’une mare d’incohérences est devenu un océan de bêtise, un naufrage collectif qui appelle une remise en question radicale. Il est encore temps d'agir, affirme le sous-titre. C'est bien positif, tout cela. Comme dirait l'autre, le Souverain, il y a un pognon de dingue, dans cette sombre affaire. 



samedi 15 février 2025

EMMANUEL CARRÈRE : V13 (L'INDICIBLE EN LITTERATURE)

 L’indicible n’existe pas en littérature ; tout peut être exprimé, même l'horreur la plus glaçante. Le livre d’Emmanuel Carrère, V13, se présente comme la chronique judiciaire des attentats du Bataclan. Une dénomination erronée et réductrice, pour évoquer les actes terroristes du vendredi 13 novembre 2015 et les 130 morts au Stade de France, sur les terrasses des cafés parisiens, et bien sûr, dans la célèbre salle de concert de la capitale. Un procès qui sert à comprendre, analyser, élaborer, le tout exprimé à travers l'écriture fluide et essentielle de Carrère, qui parvient toujours à mettre en lumière des petits détails qui font sens, des micro-récits qui ajoutent du tragique ou de la grandeur à un macro-événement aussi effroyable.

J'ai attendu - à tort, mais vous savez tout comme moi le prix du livre neuf aujourd'hui - la sortie au format poche pour enfin aborder l'ouvrage, dont le contenu me semblait jusque-là assez rebutant. Une erreur, tant ce livre éprouvant est également nécessaire ; on va le parcourir comme penché au-dessus d'un puits sans fond, dont on ne peut apercevoir que la noirceur totale, celle dont on ne sait pas pourquoi elle existe ni ce qu'elle dissimule encore. Et malgré tout, c'est parfois le grotesque, l'imprévu, l'humain, en définitive, qui vient apporter une parenthèse bienvenue, nécessaire pour replonger dans l'atrocité. Carrère, écrivain qui n'a pas son pareil pour se regarder vivre et souffrir (je souffre donc j'existe, alors regardez-moi), trouve cette fois la juste distance pour s'investir, voir et montrer, plutôt que d'observer la tragédie comme un miroir complaisant. Ses chroniques se lisent d'une seule traite, jusqu'à la sidération. Il alterne entre le témoignage brut et la réflexion plus large sur ce que signifie juger de tels actes, sur la langue du tribunal, le poids des mots et des silences. V13 est aussi un livre sur l’ironie tragique de l’existence, sur ces moments où l’on se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment et où l’individu se heurte à l’Histoire avec un grand H et subit de plein fouet sa morgue et sa marque. Le livre, qui réunit en fait des chroniques initialement publiées dans L’Obs (traduites en Italie dans la Repubblica), met en lumière la complexité du procès et donne une vision d’ensemble plus vertigineuse encore que la lecture hebdomadaire. Il ne s’agit pas seulement de rapporter, mais d’interroger : le mal peut-il se comprendre ? La justice est-elle seulement possible après une telle horreur ? Carrère, qui a souvent exploré la question du mensonge et de l’imposture dans ses œuvres précédentes, s’attaque ici à un sujet où la fiction n’a pas sa place – et pourtant, la vérité reste insaisissable. D'autant plus que V13 est aussi un livre sur nous, sur notre capacité à regarder l’horreur en face, à tenter d’en faire un récit sans trahir la sidération. Carrère ne prétend pas avoir de réponses, mais il pose de bonnes questions. Comme si la nécessité de s'effacer un peu plus que de coutume ne donnait que plus de crédit à son travail. La douleur et l'humilité qui font bon ménage. 



mardi 11 février 2025

LUCIEN LEUWEN : JEUNE RICHE ET NAÏF (LE ROMAN INACHEVÉ DE STENDHAL)

 Lucien Leuwen se situe au carrefour du roman d’apprentissage, du récit d’une éducation sentimentale et du portrait d’un tempérament profondément inadapté à la France de son époque. Au lieu de chercher à s'imposer et à se hisser au-dessus de la mêlée, Lucien semble plutôt assister en spectateur désabusé à sa propre existence, écœuré par la réalité. Il accumule les échecs au fil des pages et fait des choix regrettables, comme si tout cela lui était parfaitement égal. Certes, il bénéficie d’un soutien indéfectible et douillet – un père richissime à la tête d’une banque florissante – mais cela ne l’empêche pas de se sentir étranger à un monde qui ne lui correspond pas, contraint de participer à des rites sociaux qu’il méprise. Exclu de l’École polytechnique en 1832 pour avoir pris part à une manifestation contre la monarchie de Juillet instaurée par Louis-Philippe, Lucien Leuwen est donc le fils unique et chéri d’un banquier parisien, aussi fortuné que jouisseur. Il arbore un air insouciant (voire blasé) et suit en toutes circonstances un principe simple : faire ce qui lui plaît. Il choisit la carrière militaire, séduit avant tout par l’effet flatteur de l’uniforme. Mais problème : la France n’a plus connu de guerre depuis vingt ans. Comment, dans ces conditions, prouver son courage et mériter l’honneur des combats, tout en paradant sous de belles couleurs ?



À une époque où il fallait être avant tout opportuniste, calculateur et manipulateur pour surnager entre République, Empire, Restauration et monarchies successives, Lucien, lui, demeure loyal et sincère – un luxe dangereux. Affecté au 27e régiment de lanciers, en garnison à Nancy, il découvre bien vite que le monde tourne autour de deux choses : la vanité et l’argent. Stendhal confie ses vérités les plus crues à des personnages secondaires, comme cet écuyer qui lance à Lucien : « Ici, le mérite personnel ne vaut pas grand-chose. Ce qui compte, c’est la naissance et la position sociale. » En 2025, nous pourrions en (re)dire tout autant. Depuis les « glorieuses journées de Juillet » 1830, Louis-Philippe, ancien duc d’Orléans, est monté sur le trône. La France compte alors trente-deux millions d’habitants, dont seulement deux cent mille nobles. La scène politique est dominée par trois partis : les républicains, les légitimistes et les orléanistes. Les légitimistes, nostalgiques de l’Ancien Régime, veulent restaurer l’influence des jésuites et abolir la loi révolutionnaire qui impose le partage égal des héritages, afin de revenir à un système où tout était offert à l’aîné, reléguant les cadets à l’armée ou à l’Église. Pour faire simple, un mélange de Christine Boutin et de Nicolas Sarkozy. C’est dans cette société figée et étouffante, faite d’hypocrisie, d’ostentation et d’intrigues, que Lucien évolue. Il est le seul militaire toléré dans les salons nancéiens (une ville reconstituée et en réalité calquée sur un modèle allemand, Stendhal ne cherche pas le réalisme géographique) mais son existence n’en reste pas moins morne et ennuyeuse. Une lueur d’espoir surgit avec la mystérieuse Madame de Chasteller, une jeune veuve retirée du monde, sous la coupe d’un père hostile à la cour de Louis-Philippe. Avant même de lui adresser la parole, Lucien éprouve un trouble inédit : « La crainte d’être amoureux le remplissait de honte. » Le premier contact visuel est cocasse, puisque Lucien se vautre à cheval sous les fenêtres de sa future flamme. Mariée à dix-sept ans, veuve à vingt, Bathilde ignore tout des élans du cœur et des dangers qui y sont liés. Pendant des jours, elle et Lucien se croisent, se cherchent, se devinent sans jamais oser se comprendre. Leur amour naissant semble condamné par les conventions (et le caractère un poil méprisant de la belle. Nous pouvons admirer la constance et l'inexpérience de Lucien), jusqu’à ce qu’un instant suspendu leur soit offert dans une clairière, durant une petite promenade à peine innocente. Mais Bathilde, terrorisée à l’idée d’un scandale, engage comme dame de compagnie la plus grande commère de Nancy. Quand Lucien la revoit avec ce chaperon hideux, la situation est aussi grotesque que désespérante. Pourtant, malgré tous les obstacles, leur amour grandit, porté par une aspiration commune : pouvoir enfin se faire confiance. Le destin en décide autrement. Lucien est envoyé à la tête d’un détachement de 380 soldats pour réprimer une grève d’ouvriers du textile. Il s’interroge alors : « Je serais curieux de savoir qui la bonne société de Nancy déteste le plus : Louis-Philippe ou les ouvriers ? » Mais la mission tourne au fiasco : la population, solidaire, verrouille portes et fenêtres, et les soldats rentrent bredouilles, sans avoir tiré un seul coup de feu. Pire encore, les différents soupirants de Madame de Chasteller, tous repoussés et souverainement ignorés, décident de se venger du succès (très relatif) obtenu par Lucien en organisant une cabale à ses dépens. Le jeune homme est trompé par un stratagème hautement improbable, digne d'un roman feuilleton à quatre sous. C'est la rupture tragique, le retour au bercail, la fin de toute une première partie d'un roman sentimental qui démontre à quel point il faut être naïf et vain pour s'offrir corps et âme à une femme qui ignore jusqu'au sens même du mot générosité. 

Téméraire et indifférent aux honneurs, Lucien rentre à Paris et se fait de puissants ennemis. Les rumeurs se multiplient, et son père le persuade de jouer le jeu du paraître : il doit feindre d’être éperdument épris d’une autre femme, madame Grandet, pour éteindre les commérages. Lucien s’exécute à contrecœur, confiant à son père : « Je veux être fidèle à une femme qui n’a jamais été à moi. » Stendhal y glisse un écho de sa propre vie sentimentale. Pris entre l’aristocratie de naissance et la nouvelle élite financière, Lucien découvre l’ampleur de la corruption et la crainte omniprésente du retour de la République. Pour ne pas décevoir son père, il se compromet dans des manœuvres politiques douteuses, distribue des fonds aux alliés du régime et sape la réputation d’honnêtes opposants. Lucien se révèle étonnamment habile dans ce jeu dangereux, prenant même des risques insensés. Mais un profond malaise le ronge : un « dégoût moral » qui vire à la nausée, devant le spectacle pitoyable des pseudos élites parisiennes, disposées à se vendre pour moins qu'un plat de lentilles. Écrit entre 1834 et 1836, mais resté inachevé, Lucien Leuwen fut publié à titre posthume en 1894. Conscient de l’intransigeance du régime de Louis-Philippe, Stendhal tenta, dans plusieurs préfaces esquissées, d’écarter toute intention politique. Pourtant, en campant des personnages et des intrigues ancrés dans son époque, il fit de son roman un véritable miroir de son temps. C'est d'ailleurs là que peut survenir la frustration du lecteur moderne, quand il constate que les références croisées et les saillies culturelles, mondaines ou politiques, lui restent inaccessibles, pour la plupart. La fin que Stendhal envisageait reste une hypothèse. Lucien devait revenir à Nancy, retrouver Bathilde, affronter la mort soudaine de son père et la faillite de la banque familiale. L’écrivain prévoyait de conclure son récit à Rome, où Lucien, devenu vice-secrétaire d’ambassade, aurait vécu l’ultime acte de son histoire d’amour. Divers brouillons en témoignent, mais l’histoire, comme son héros, demeure en suspens, ballottée par le destin.



mardi 4 février 2025

RETOUR À REIMS (DE DIDIER ERIBON)

 Le Retour à Reims de Didier Eribon fait partie de ces ouvrages qui abordent la question du transfuge de classe, de ceux qui ont réussi à échapper non seulement à leur condition sociale d'origine, mais aussi à l'assignation géographique qui les cantonnait à un espace et un destin précis. Il existe, en effet, un lien étroit entre le lieu de naissance, la situation socio-économique de la famille et la manière dont un individu perçoit le monde — et, surtout, la manière dont le monde le perçoit. Eribon appartient à cette catégorie de personnes destinées, a priori, à une vie modeste, jalonnée d'épreuves, incarnant ainsi l'exemple parfait de la façon dont les dominants parviennent à contenir les aspirations et les revendications des dominés. Ces derniers se voient attribuer une tâche, une fonction et une considération minimale : juste assez pour éviter une révolte généralisée, mais insuffisant pour leur permettre d'accéder à la dignité à laquelle ils aspirent justement.


La maladie puis la mort de son père servent de prétexte à l'auteur pour entreprendre ce retour. Pourtant, la distance géographique entre Paris et Reims est relativement faible. Mais ces deux espaces incarnent deux mondes radicalement opposés : celui de la culture, où tout semble possible, où les nantis mènent une existence paisible en dissertant sur les plus grands philosophes, et celui de la province, où, en l'espace d'une heure de train, s'opère un basculement silencieux mais profond. Là où les anciens bastions communistes se sont progressivement tournés vers l'extrême droite, une bascule qui révèle le sentiment d'abandon d'un bassin ouvrier méprisé et disqualifié. Délaissés, les habitants de ces territoires ont cherché des coupables parmi ceux qu'ils considèrent comme plus petits et plus vulnérables qu'eux : les immigrés, les minorités, ou encore les homosexuels, catégorie à laquelle appartient Eribon (et le sujet est longuement développé, avec une rare pertinence, surtout dans la dernière partie). On ne le répétera jamais assez : la véritable violence ne réside pas uniquement dans les coups portés au corps, mais aussi dans les mots qui blessent, dans les attentes inaccessibles, dans ces horizons obstrués par ceux qui entendent se réserver la meilleure part du gâteau et qui repoussent sans ménagement ceux qui osent en réclamer ne serait-ce que quelques miettes. Tout cela est démontré de manière implacable par l'écrivain, qui livre ici une sorte d'essai sociologique teinté de souvenirs personnels, une analyse sincère et lumineuse des fractures sociales, de la manière dont le déterminisme entrave les individus, et du mécanisme insidieux mis en place par les élites pour conserver leur pouvoir en interdisant aux plus fragiles toute velléité de révolte. Toute idée d'y songer, même. Lire Retour à Reims, c'est prendre conscience de l'une des plus grandes victoires du pouvoir politique contemporain : celle d'avoir implanté dans l'esprit des citoyens l'idée que voter ne sert à rien, que les politiciens sont tous corrompus et interchangeables, qu'il n'y en a pas un pour racheter l'autre. Car lorsque l'on perd la conviction que le changement est possible, lorsque l'on se détourne de la politique par lassitude ou par cynisme, alors toute perspective de transformation sociale s'efface au profit d'une résignation mortifère. C'est cette résignation qui pousse les classes populaires à protéger jalousement le peu qu'elles possèdent, sans espérer d'amélioration, et à se tourner contre un néo-prolétariat encore plus précaire, désigné comme le bouc émissaire idéal, incapable de se défendre.


Certes, il existe toujours des exceptions : des parcours atypiques qui, par la force de l'esprit ou grâce à des circonstances favorables, permettent à certains individus de s'extraire de cette masse informe et de donner une voix à ceux qui, d'ordinaire, sont réduits au silence, voire à l'inexistence sociale. Eribon fait partie de ces exceptions. Son travail est remarquable, son analyse d'une acuité rare. Sans lui, point d'Édouard Louis par la suite, et cela aurait constitué une perte incommensurable pour la littérature contemporaine. Mais ces exceptions ne sauraient masquer la réalité d'un écrasement des classes populaires, désormais abandonnées à elles-mêmes et devenues le terreau du parasitisme politique incarné par le Rassemblement national, formation dont l'unique programme consiste à prospérer sur la haine et l'exclusion. Dans un monde plus éclairé, Retour à Reims serait étudié et disséqué dans tous les lycées de France, proposé comme un modèle de réflexion sur les mécanismes de la soumission volontaire qui paralysent notre société. Comprendre ces dynamiques, c'est déjà commencer à les combattre. Et s'il existe bien une chose que le pouvoir en place ne souhaite pas encourager, c'est cette indocilité, la grande revendication. Sois ce que nous voulons que tu sois, et tais-toi. Retour à Reims est un ouvrage qui peut sauver des vie et allumer quelques torches.