Nous avons tous croisé, au cours de notre scolarité, des individus comme Théo Hernandez ou Zlatan Ibrahimovic. Ces garçons, dont l’exubérance physique s'épanouit dès l’adolescence, les démarquent instantanément de la masse. Leur stature athlétique leur assure une popularité écrasante, adulés par les gamines et leurs hormones épatées, et les cancres fascinés. Toujours en équilibre sur la fine frontière du harcèlement, ils oscillent entre deux attitudes : vous adouber et vous intégrer dans la cohorte servile de leurs suiveurs, ou bien vous prendre en grippe et vous reléguer à la caste des souffre-douleur. Pour eux, l’infériorité athlétique s’accompagne généralement d’une intelligence suspecte, redoutée et méprisée à la fois. Car il faut bien le dire, ces grands gaillards, surdoués pour la course, les sports de combat et l’accès à la sexualité précoce, se révèlent souvent bien moins flamboyants quand il s’agit de lire un texte à voix haute ou d’aligner deux chiffres dans une opération mathématique. Position latérale de sécurité pendant la dictée et le contrôle d'histoire géographie. Mais, par chance pour le reste de l’humanité, ces colosses aux pieds d’argile finissent, à leur maturité, par être rattrapés par la patrouille impitoyable de la réalité. Ils échouent alors dans des postes subalternes, chauffeur routier, déménageur ou, pour les plus chanceux, gendarme, l’un des rares métiers où le vide sidéral dans lequel baigne une cervelle atrophiée peut paradoxalement devenir un atout pour l’ascension professionnelle.
Mais, parfois, une infime minorité d’entre eux accède à la gloire et à la célébrité. Dans un monde où taper dans un ballon est infiniment mieux valorisé et mieux rémunéré que sauver des vies dans un bloc opératoire, certains de ces spécimens décrochent la consécration ultime. Ils deviennent alors des demi-dieux modernes, des entités intouchables à qui tout est pardonné, dont les moindres écarts sont excusés au nom du "génie" sportif. Bardés de tatouages, la coupe et la couleur de cheveux improbables, érigés en anti-modèles permanents d’un système où l’agressivité et la vulgarité suscitent l’adoration, ces champions du néant finissent par incarner la version 2.0 du mâle alpha. Or, le véritable mâle alpha, par essence, devrait être un leader, un guide. Celui qui, par sa force et son charisme, montre l’exemple, insuffle du courage aux plus faibles, prend ses responsabilités dans les moments tragiques. Il devrait ouvrir la voie, inspirer, élever le collectif. Mais les Théo et les Ibra, eux, ne sont rien de tout cela. Leur vision du leadership repose sur l’écrasement de l’autre, la dérision comme arme principale, la domination par la violence. Pour eux, le chemin le plus court vers le succès reste l'autoroute de l’intimidation et du mépris, voire de la tricherie. Le mal alpha. Ces bestiaux-là ne savent ni s’intégrer à un collectif ni apporter quoi que ce soit à la communauté. Ils ne vivent que pour eux-mêmes, obsédés par leur propre image, trop occupés à huiler leurs muscles devant le miroir pour offrir aux esprits les plus crédules l’illusion d’un dieu grec des stades, en lieu et place de la petite frappe du quartier. Et lorsqu’ils finissent par chuter, car ils chutent tous, ils masquent leurs échecs sous un vernis de promesses creuses et de postures artificielles. Ils deviennent alors des personnages grotesques, les caricatures pitoyables d’une société du spectacle qui glorifie l’apparence et l'insubordination, c'est-à-dire la rébellion égocentrique de ces petits garçons pourris jusqu'au trognon.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire