En fanfare (de Emmanuel Courcol)
Thibaut et Jimmy, séparés dès leur plus jeune âge, se retrouvent une fois adultes par un hasard ironique du destin : Thibault a besoin d’une greffe de moelle osseuse et découvre à cette occasion la vérité sur sa famille biologique. Tout les oppose. Thibaut (Benjamin Lavernhe) a grandi dans une famille adoptive aisée à Medon et il est devenu un chef d’orchestre de renommée internationale. Jimmy (Pierre Lottin), lui, a vécu son adolescence dans un petit village du Nord de la France, où il travaille aujourd'hui dans une cantine, tout en vivant sa passion pour la musique au sein d’une fanfare locale. Dès les premières minutes, le film s’impose comme une réflexion sur le déterminisme social : jusqu’où notre milieu de naissance façonne-t-il notre destin ? À quel point conditionne-t-il nos études, nos opportunités, notre réussite ? Spoiler : naître à Tourcoing ou Levallois Perret et Neuilly-sur-Seine, ce n'est pas exactement la même expérience.
Le constat est implacable : pour certains, peu importe le talent ou la volonté, certaines portes ne s’ouvrent jamais – ou plutôt, on ignore même qu’elles existent. Grandir sans le capital culturel et social adéquat, c’est comme vouloir jouer du violon avec des moufles : on peut toujours essayer et faire preuve d'acharnement, mais le résultat risque de manquer de finesse. Thibault, en étant adopté par une famille fortunée, a remporté sans raison le ticket gagnant de la loterie sociale, même si le destin lui présente un autre type de compte sous forme d’une maladie qui le frappe à l’âge adulte. L'amour commun des deux nouveaux frangins pour la musique est l'autre fil rouge du film, une passion vibrante qui les relie au-delà des barrières sociales. Mais si l’un a vu ses portes s’ouvrir naturellement vers les grandes salles de concert, l’autre a dû se contenter de forcer celles des bistrots de village. Et en parlant de portes, certaines (déjà grandes ouvertes) sont ici enfoncées avec une insistance qui frôle parfois la caricature. Pourtant, difficile de nier la justesse du propos : la France du trombone et des majorettes n’est pas celle du piano et de l'opéra. Il y a d’un côté ceux qui connaissent Aznavour ou Sardou par cœur, et de l’autre ceux qui dissertent sur un obscur trompettiste jazz new-yorkais. Ou encore l'intimité et la fraîcheur de la bière contre un jus d'ananas, en guise de verre de bienvenue. Un grand écart qui est aussi patronymique, donc à relier à l'identité même de l'individu, condamné à être ramené à son déterminisme, juste par l'appel. Et forcément, dans un tel contexte, le Nord est peint avec ses clichés habituels : la misère sociale, les usines qui ferment, mais aussi la chaleur humaine et la générosité, sans oublier les épreuves et l'indigence qui se lisent dans les corps, les postures, les mots. Simpliste, le raccourci ? Un peu. Fidèle à la réalité ? Assez, pour qu’on ne puisse pas entièrement s’en offusquer. En Fanfare est un film assez sincère, touchant, parfois un brin appuyé dans ses démonstrations, mais qui réussit à capter un écart social abyssal avec une véracité indéniable. Il plaira à ceux qui apprécient les récits à la fois tendres et amers – et agacera ceux qui n’aiment pas qu’on leur chatouille les narines pour les faire éternuer ou pleurer sur commande. Mais à voir, indéniablement.
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