vendredi 21 février 2025

ESTHER LACHMANN, DITE "LA PAÏVA"

 Esther Lachmann, dite "La Païva" (1818-1884)


L'histoire de La Païva est celle d'une ascension fulgurante, marquée par l'ambition, la détermination et un sens aigu de la manipulation sociale. Née Esther Lachmann en 1818 dans le ghetto juif de Moscou, elle grandit dans une pauvreté extrême, bien loin du faste et de l'opulence qui marqueront plus tard sa vie. Pourtant, cette jeune fille au regard vif et à l'esprit acéré n'avait pas l'intention de se laisser enfermer dans la misère. L'ingéniosité féminine et l'ambition, un cocktail souvent détonnant. À seulement 17 ans, elle épouse Antoine Villoing, un modeste tailleur français, mais s'empresse de fuir ce mariage peu prometteur pour tenter sa chance sous des horizons plus fortunés. C'est ainsi qu'elle arrive à Paris, ville de tous les possibles, où elle entame une carrière dans la prostitution avant de déployer ses talents de courtisane (de grisette à escort girl, pour résumer cet avancement de carrière). Avec une habileté remarquable, elle parvient à s'attirer les faveurs d'hommes influents, parmi lesquels le pianiste et compositeur Henri Herz, dont elle dépense sans scrupule l'immense fortune (bien aidée par l'insondable bêtise du bonhomme, une véritable carpette aux pieds de la belle). Rapidement, son nom circule dans les salons parisiens. Elle devient l'une des femmes les plus recherchées du Tout-Paris, usant de son charme et de son intelligence pour gravir les échelons. En 1851, elle parvient à contracter un mariage d'intérêt avec le richissime Albino Francisco de Araújo, un Portugais fortuné qui lui confère le titre de marquise de Païva. L'union ne dure pas : le couple se sépare au lendemain des noces, laissant à Esther un train de vie toujours plus enviable.


Mais c'est avec Guido Henckel von Donnersmarck, un industriel prussien immensément riche, que La Païva atteint le sommet de sa puissance. Amoureux transi, il lui offre en 1865 un véritable palais sur les Champs-Élysées, un chef-d'œuvre architectural digne d'une princesse. Ce somptueux hôtel particulier, doté d'un escalier en onyx jaune — une folie extravagante pour l'époque — devient le théâtre des réceptions les plus fastueuses du Second Empire. La Païa y reçoit l'élite intellectuelle et politique de son temps, fascinée autant par sa beauté que par son audace. Cependant, son histoire prend une tournure plus tragique avec la guerre franco-prussienne de 1870. En raison de ses liens avec un noble prussien, elle est soupçonnée d'espionnage, ce qui lui vaut la haine de nombreux Parisiens. Réfugiée à l'étranger, elle finit par épouser officiellement Donnersmarck, mais son influence et son prestige sont irrémédiablement entachés. Elle s'éteint en 1884 dans son château de Silésie, aujourd'hui en Pologne, loin de la capitale où elle avait régné en souveraine officieuse du demi-monde. L'histoire de La Païva est le reflet d'une époque où les femmes, privées d'accès au pouvoir officiel, devaient user d'autres stratagèmes pour s'imposer. Mais parlons nous vraiment d'une époque révolue ? En d'autres temps, elle aurait pu aussi être une instababe, une influenceuse aux millions d'abonnés, une invitée récurrente des plateaux de télévision chez Hanouna ? Qui sait ? Toujours est-il qu'elle a laissé une trace indélébile dans l'histoire du Paris mondain du XIXe siècle. Comme le disait avec ironie un dicton de l'époque : "Chez La Païva, qui paye, y va"... L'ingéniosité féminine…



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