jeudi 3 avril 2025

NATACHA (PRESQUE) HÔTESSE DE L'AIR

Natacha (presque) hôtesse de l'air (de Noémie Saglio)


Natacha : le personnage n'évoquera pas grand chose aux générations les plus jeunes, on le destinera plutôt aux parents et grands parents, qui suivent le travail et les courbes de l'héroïne de François Walthéry depuis les années 1970. Portée par une Camille Lou lumineuse et frétillante (elle ne m'a jamais fait beaucoup d'effet avant, mais dans son petit costume aérien, c'est une autre histoire), cette version de Natacha a tout de la résistante d’un autre temps. Nous sommes dans les années 1960, une époque où les petites filles sont priées de rêver mariage plutôt que carrière. Mais voilà, Natacha veut devenir hôtesse de l'air. Si les règles du recrutement sont une longue liste d'exigences absurdes (deux centimètres en trop, des cheveux trop plats, et une bonne dose de sexisme en prime), elle décide de ne pas s'en laisser conter. Après tout, ce serait dommage de passer à côté de l'opportunité de se faire pincer les fesses entre Paris et Rio de Janeiro par des types qui n'attendent qu'une chose, un scotch et une petite pipe (on pouvait fumer, à l'époque, à bord d'un avion. Vous pensiez vraiment à "ça" ?). Le film préfère évidemment l'aventure au service à bord, dans un joyeux chaos très naïf où se croisent voleurs de tableaux, mafieux et politiciens louches. Natacha (qui n'a encore jamais pris l'avion de sa vie) se retrouve embarquée dans une chasse effrénée à La Joconde ; la retrouver pourrait bien être aussi sa seule chance de devenir un jour une hôtesse, une vraie. Toujours prête à foncer, elle traîne dans son sillage un steward misogyne et tremblotant, Walter, qui dans cette version sur grand écran n'est qu'un niais paresseux et inutile, qui n'a pas trouvé la force d'assumer son homosexualité latente (Vincent Dedienne est un choix qui pousse clairement à cette interprétation). Si le scénario prétend se situer dans les sixties, le film ne s'embarrasse pas d'une rigueur historique excessive. L'anachronisme y est une véritable signature : dialogues truffés de références contemporaines, clins d'œil complices à notre époque, jusqu'à ce personnage joué par Baptiste Lecaplain, surnommé "BFM" qui verse dans le complotisme et nous prédit une pandémie venue de Chine, causée par des pangolins (ne souriez pas, beaucoup ont accepté le concept lorsqu'on leur a vendu ces inepties, en 2020).  

De plus, certains personnages secondaires peinent à décoller (ou sont carrément embarrassants) et la narration rencontre quelques trous d'air, mais la fraîcheur du ton et le dynamisme du casting compensent en partie ces petites secousses. C'est d'ailleurs probablement ici que réside la limite de l'exercice. Transposer au cinéma l'ambiance humoristique, mais aussi aventureuse, qui traverse de très nombreux albums de bande dessinée dites franco-belge est probablement impossible. Tout d'abord parce qu'ils étaient au départ destinés à un public adolescent (d'où les pré publications dans les pages de Spirou) et ensuite parce qu'ils présupposent une suspension de l'incrédulité et une connivence dans l'absurde qui fonctionne bien mieux sur papier que dans les salles obscures. Du coup, le produit fini, même s'il ne manque pas de brio, semble ne pas trop savoir à qui il s'adresse et pourrait bien avoir beaucoup de mal à trouver son spectateur cible. Au-delà du divertissement, le film ébauche aussi une réflexion sommaire sur la condition féminine. Sans jamais sombrer dans la lourdeur, certes, il esquisse des portraits de femmes complexes et variés, qui mêlent courage, intelligence, maladresse et audace. Les hommes, quant à eux, oscillent entre dépendance, fragilité et assurance feinte, avec un regard souvent caustique. Ou comment grossir largement le travail et les intentions de Walthéry, pour coller à l'air du temps. Natacha (presque) hôtesse de l'air réussit donc (presque) son atterrissage : une comédie espiègle, qui revisite une figure de la BD avec humour et quelques intuitions ou punchlines qui font oublier, sur le moment, le constat implacable du nanar sympatoche, mais nanar quand même. Vous l'aurez compris, la bande dessinée est une source qui sera exploitée jusqu'à la dernière image, quitte à la tarir une bonne fois pour toutes.  



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