Diamant brut (de Agathe Riedinger)
Quel avenir peut bien attendre Liane, une jeune femme de 19 ans, affublée de prothèses mammaires, de faux ongles interminables, influenceuse sur Instagram, aux idéaux aussi superficiels que ses atours ? La réponse est simple : pas grand-chose. Sa trajectoire semble toute tracée. Elle met en avant un corps aux courbes généreuses, plus vulgaire que véritablement séduisant, dans l’espoir de se frayer un chemin dans l’un des rares domaines accessibles à ce type de profil : la téléréalité. La réalisatrice (Agathe Riedinger) semble cependant avoir un train de retard. Aujourd’hui, ce n’est plus vers la télévision que l’on se tourne, mais vers les réseaux sociaux, où l’investissement stratégique dans un compte Onlyfans bien aguicheur serait plus judicieux. Certes, ce qui motive Liane va au-delà d’un simple calcul financier : c’est la quête de gloire, le besoin viscéral d’être vue, aimée, de se sentir exister. Gagner de l’argent reste une priorité, c'est évident, mais il ne s’agit que d’un moyen pour atteindre un but bien plus émotionnel. Nous suivons donc Liane dans son quotidien : sa manière d’appliquer son fond de teint avec la minutie d’un soldat se préparant pour une mission critique, ses achats compulsifs de robes hors de prix, bien au-delà de ses moyens, et – de façon plus troublante – son incapacité à s’épanouir physiquement ou émotionnellement dans ses relations intimes. Derrière cette façade d’exubérance se cache une jeune femme persuadée de ne pas exister, de ne jamais rien réussir. Quand une opportunité de casting se présente, elle l’accueille comme une bouée de sauvetage, l’ascenseur pour la gloire tant espérée. Mais cet ascenseur pourrait tout aussi bien la mener à l’échafaud de son existence, si personne ne la rappelle. Liane pourrait presque susciter notre sympathie (et Malou Khebizi est parfaite dans le rôle). Mais son discours maladroit, son phrasé sacrifié à l'affrication et son vocabulaire indigent finissent par rebuter. Un produit de cette sous culture qu'on voudrait justifier et encourager, parce qu'il s'agit d'un formidable marché de consommateurs aveugles, qui ne font que se stigmatiser davantage chaque jour, sans comprendre qu'ils scient la branche de l'arbre sur laquelle ils sont en équilibre précaire. Les critiques, enjouées, parleront du "destin" d’une jeune femme. Mais il n’y a ici ni destin, ni réelle trajectoire. Seulement les errances d’une post adolescente pathétique et esthétiquement discutable, dénuée des armes intellectuelles et économiques nécessaires pour offrir autre chose que son corps. Même si dans ce monde, hélas, cela peut parfois suffire. On la regarde se débattre, espérer, y croire. Mais on sait, en spectateur lucide, qu’elle finira par s’effondrer. Si elle effleure un jour les sommets, ce sera pour en chuter brutalement. L’avenir ? À trente ans, on l’imagine en cure de désintoxication, ou subsistant avec le RSA, deux enfants confiés à la DASS. Ou pire, sur le plateau d'Hanouna.
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