vendredi 1 novembre 2024

THE CURE : SONGS OF A LOST WORLD

 THE CURE - SONGS OF A LOST WORLD

Seize ans d’attente, ce n’est pas rien. L’arrivée d’un nouvel album studio de The Cure a donc des allures de libération, comme celle d’un prisonnier sortant de cellule après trois lustres, privé des caresses et du droit de toucher, voire même effleurer, le corps d'une femme. On pourrait imaginer des retrouvailles enflammées ; cependant, après tant d’années sans pratiquer, la déception peut se montrer cruelle. D’autant que le dernier rendez-vous galant avec la bande de Robert Smith ne ressemblait en rien à une nuit de noces fiévreuse.

Le véritable enjeu avec Songs of a Lost World ne se situe pas du côté de Robert Smith, le maître incontesté du gothique charbonneux, mais bien dans l’esprit de l’auditeur, qui nourrit des attentes démesurées et réclame que le groupe ravive des souvenirs et des émotions évanouis depuis belle lurette. Il est utile de se rappeler que la dernière fois que The Cure a effleuré les cimes glacées du chef-d’œuvre intemporel, c’était à la fin des années 1980, voire au tout début des années 1990. Depuis, le groupe s’est satisfait de sommets moins vertigineux, mais toujours inaccessibles pour le commun des mortels et pour des groupes contemporains, trop souvent encensés par une presse prompte au retournement de veste et à l'enthousiasme stipendié.

N’attendez donc pas de ce quatorzième album studio qu’il soit ce qu’il ne peut être. On y pénètre par un titre aux allures martiales et élégantes, et on en ressort, sonné, après une pièce magistrale de plus de dix minutes (Endsong), directement classable parmi les œuvres d’exception de Robert Smith. Entre-temps, on navigue en eaux troubles et profondes, dont l’atmosphère cotonneuse et mélancolique évoque le dernier excellent album en date, Bloodflowers.

Marqué par plusieurs deuils dans sa famille, convaincu d’aborder le crépuscule de sa carrière (et probablement de son existence d'homme), Smith nous livre ici un bilan poignant, qui sans pour autant appeler l'euthanasie de tous ses vœux, envisage sérieusement le recours aux soins palliatifs (it all feels wrong/It's all gone/it's all gone/it's all gone/No hopes, no dreams, no world - dans Endsong). L’album est tout simplement beau, et la question de savoir où le classer dans la hiérarchie des disques du groupe n’a aucun sens. C’est déjà un petit miracle d’entendre aujourd’hui ces huit nouvelles compositions, patiemment retravaillées et enfin offertes au public. Et si cela ne vous suffit pas, vous avez toujours Taylor Swift, Zaho de Sagazan, et d’autres bulles de savon évanescentes du genre, qui éclateront sans un bruit, sans un regret. 

"Left alone with nothing at the end of every song"



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire