mercredi 1 janvier 2025

BLUR : TO THE END (LE DOCUMENTAIRE)

 Blur, c’est un de ces groupes qui ont accompagné mes années de lycée, puis mes premiers pas à l'université. Bref, au début des années 1990, ils faisaient partie des poids lourds de la pop anglaise, pris malgré eux dans une guerre des tranchées médiatique face au concurrent bourrin Oasis. Une compétition absurde, une sorte de débat sans fin : Mais qui est le meilleur des deux groupes ? Comme si la réponse n'allait pas de soi.

Spoiler : To the end, le documentaire, apporte la preuve de ce qu'on a toujours soupçonné. Comme le veut l'adage, le temps a fait son œuvre. Les frères Gallagher se sont joyeusement écharpés, et la baudruche Oasis s’est rapidement dégonflée. Blur, en revanche, a pris des chemins de traverse, explorant des terrains inattendus et prouvant, album après album, que Damon Albarn et sa bande avaient plus d’un tour dans leur sac. Aujourd’hui, ils sont devenus une référence incontournable, le genre de groupe qu’on mentionne d’un air savant pour illustrer ce que la pop anglaise a fait de mieux depuis les années 1990. Alors oui, les plus sommaires parmi vous auront en tête des tubes imparables comme "Girls & Boys", parfaits pour les playlists nostalgiques. Mais les vrais savent : Blur, c’est bien plus que ça. Ce groupe, c’est un couteau suisse musical, une bande capable de passer d’un style à l’autre avec une aisance insolente et pertinente. Et aujourd’hui, alors qu’ils ont passé le cap (largement) de la cinquantaine (et dû géré quelques pépins physiques au passage), les voilà décortiqués à l'écran durant l'enregistrement de leur dernier album en date – The ballad of Darren, excellent, soit dit en passant – et la préparation d'une tournée qui culminera dans un concert absolument monumental au stade de Wembley, dernier temple britannique que le quatuor n'avait pas accroché à son tableau de chasse. Sauf que passer la cinquantaine, c’est avoir gagné en expérience, mais aussi en courbatures et en blessures. C’est composer avec des caractères bien trempés et des modes de vie complètement divergents. Pourtant, après des années de silence, Blur réussit un grand écart fascinant : un équilibre précaire mais sublime entre le risque d’implosion et le plaisir incommensurable de jouer ensemble. Albarn, Coxon (les deux premiers sont liés depuis l'adolescence), Rowntree et James, entre beuveries et méditations bucoliques, remontent sur scène. C’est ce qui rend ce documentaire si attachant. Ce ne sont pas des rockstars figées dans une pose grandiloquente. Non, ce sont quatre types qui jonglent avec leurs égos, leurs petites manies et leurs grands rêves accomplis, ou presque. Des moments d’émotion pure, des petites scènes du quotidien qui les font apparaître presque ordinaires – si ce n’est qu’ils ont, disons-le franchement, une bonne dose de talent en plus que vous et moi. On y découvre les rouages de leur dynamique, ce fragile ballet des individualités qui aboutit à des merveilles musicales. Et surtout, on vibre avec eux à l’approche du concert de Wembley, où ils s’apprêtent à communier avec leur public comme jamais. Ce n’est pas qu’un simple spectacle, c’est une célébration de tout ce qu’ils ont construit ensemble – peut-être la dernière à cette échelle. Ridicule de voir des quinquas sautiller sur scène ou se rouler au sol devant une foule en délire ? Comme s'en moque Albarn à un certain point, c'est la faute au public, à ce qu'il attend et a fait de ces grands adultes, qui s'évitaient depuis plus de huit ans. Ce film/documentaire nous rappelle que les chansons de Blur ne sont pas que des refrains accrocheurs : elles résonnent profondément avec la culture et les réalités sociales du Royaume-Uni. Et au bout d’une heure quarante, on en ressort avec une seule certitude : Blur, trop souvent sous-estimé en France, mérite enfin qu’on lui rende justice. On les pensait à la retraite, recyclés dans d'autres projets (Gorillaz in primis), les voici au sommet, une dernière fois, plus haut, plus loin que là où ils ont eu l'occasion d'aller en presque quatre décennies de carrière. To the end, le bien nommé.


 

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