Le 26 janvier 1994 est une date qui résonne dans la mémoire niçoise comme le jour où faire ses courses est devenu une psychose potentielle. Il faut se remémorer la scène pour comprendre : un mercredi après-midi ordinaire, le supermarché Casino Ferber, situé sur le boulevard René Cassin (à deux pas de la Promenade) à Nice depuis l'été 1973, qui grouille de clients. Des familles, des employés, des ouvriers en plein travaux d'agrandissement, tous occupés à leurs tâches quotidiennes. Personne ne se doute que le plafond a décidé de leur tomber sur la tête, à l'improviste.
À 16h08 précises, des craquements se font entendre, les rayons commencent à vibrer. Certains froncent le sourcil, se demandent si une promotion sur les perceuses n'aurait pas lieu dans le rayon voisin. Mais non, c'est bien le toit de 1 700 tonnes qui, lassé de supporter le poids du monde et de l'inflation, s'effondre soudainement, transformant le supermarché en un chaos indescriptible. Le bilan est tragique : trois personnes perdent la vie. Sylvie Madonia, 31 ans, assistante maternelle venue faire ses courses avec ses enfants, et Pascal Depuille, 28 ans, employé au rayon crèmerie, sont tués sur le coup. Marilyn Mercadier, hôtesse de caisse de 22 ans qui préparait son mariage, succombera à ses blessures après treize jours de coma. Cent seize autres personnes sont blessées, certaines grièvement. Les secours arrivent rapidement sur les lieux. Le préfet de l'époque, Maurice Joubert, déclenche le "plan rouge 4ème niveau", qui mobilise 318 sapeurs-pompiers des Alpes-Maritimes, 25 médecins, 20 infirmiers et six équipes cynotechniques. Des détachements des Bouches-du-Rhône, du Var et de l'unité d'intervention de sécurité civile de Brignoles sont également appelés en renfort. L'enquête révélera que des travaux de rénovation et d'agrandissement étaient en cours depuis trois mois, tandis que le magasin était toujours ouvert durant cette période. Ces travaux consistaient à démolir plusieurs vitrines construites dans les années 1960 afin d'augmenter la surface de vente. Les équipes de démolition, qui pensaient avoir affaire à de simples cloisons, découvrirent successivement plusieurs linteaux ferraillés qui nécessitèrent l'utilisation d'un brise-roche hydraulique. La démolition d'un troisième linteau provoqua l'écroulement d'un pilier porteur, qui entraîna l'effondrement de toute la dalle. Le procès s'ouvrit le 20 mai 1996 devant le tribunal correctionnel de Nice. Sept personnes, trois responsables du groupe Casino et quatre responsables du chantier, furent poursuivies pour homicides et blessures involontaires. Chacun se renvoya la balle, un grand classique des batailles judiciaires lorsque les enjeux sont glaçants : pour Casino, la faute incombait à l'entreprise de démolition ; pour les entrepreneurs, c'est le groupe Casino qui était responsable, notamment en raison de l'absence de plans précis du magasin. En juin 1996, cinq personnes furent finalement condamnées à des peines de prison avec sursis, tandis que les blessés et les proches des victimes furent indemnisés. Trente ans plus tard, le drame reste gravé dans la mémoire collective des Niçois. Le supermarché, après avoir changé d'enseigne (Intermarché depuis fin 2024, Casino est à la rue), continue d'accueillir des clients, mais l'ombre de l'effondrement plane toujours. Une tragédie qui rappelle que même les lieux les plus ordinaires peuvent devenir le théâtre d'événements extraordinaires, surtout quand les couches de négligence successives contribuent à faire peser le poids mortifère de l'incurie sur des familles innocentes, dont le seul tort était de se servir en grande surface plutôt que de faire vivre le petit commerce.
Ultime remarque qui n'engage que moi : les Casino qui restent en activité, à ce jour, sont vétustes, peu engageants, assez chers. Aucune raison de les fréquenter, je vous assure. Ils sont plus efficaces dans leur déclinaison "petit Casino", si vous en avez les moyens…
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