dimanche 16 mars 2025

ZORRO AVEC JEAN DUJARDIN : ZORRO POST MODERNE

 Jean Dujardin, en tant que Zorro. Au départ, c'était ça, l'information qui m'avait intrigué, voire même qui avait suscité l'hilarité. Impossible de prendre ça au sérieux, d'établir un parallèle avec les grandes heures de Guy Williams, le seul véritable Zorro intemporel à l'écran. Et puis, la série a débarqué sur Paramount, en même temps que s'est ébauchée une forme intime de mea culpa. Parce qu'en fait, il ne s'agit pas de Zorro, le Zorro de la tradition, mais d'une autre approche, d'un autre genre, respectueux mais distant, et drôle, surtout. Réalisée par Émilie Noblet et Jean-Baptiste Saurel, cette série de huit épisodes de 35 minutes propose en fait un Zorro réinventé, synthèse de tout ce qui a été fait auparavant, pour développer une suite hypothétique, un retour aux affaires à l'heure où d'autres profitent d'une retraite méritée. Le scénario, signé Benjamin Charbit, Noé Debré et Emmanuel Poulain-Arnaud, imagine un Renard quinquagénaire qui n’a pas manié le sabre depuis vingt ans, mais qui, poussé par un enchaînement de péripéties, reprend du service. Et ce retour en cape et épée n’est pas sans secousses, notamment dans son couple, où la flamme a bien du mal à résister à ce personnage de justicier charismatique, en contraste saisissant avec la personnalité creuse de Don Diego dans la vie civile. Une dualité qui n'est pas sans rappeler celle que bien des super-héros ont du affronter au cours de leurs longues carrières. La petite amie est fascinée par le costume, par les pouvoirs, beaucoup moins par l'homme banal qui se cache derrière le masque. 

C’est donc Jean Dujardin qui prête son panache au masque de Zorro. On le sent s’amuser pleinement, quand il alterne entre un Diego posé (voire carrément soupe-au-lait) et un Zorro exubérant. Audrey Dana brille dans le rôle de son épouse, irrésistiblement attirée par ce double plus audacieux de son mari à qui elle concède imprudemment un baiser dès la première vraie rencontre. Salvatore Ficarra incarne avec justesse le fidèle Bernardo, muet (et prétendument sourd, le malin !) mais dévoué à son "maître". Le comique, célèbre en Italie pour le duo qu'il forme avec Valentino Picone, m'a toujours profondément insupporté, en raison d'une mimique exagérée et outrancière. Sauf qu'ici, elle lui permet de "faire passer le message" avec justesse et intelligence. Grégory Gadebois incarne le Sergent Garcia, hanté par un justicier masqué qui a bouleversé sa vie, au point de ressentir le besoin de se confier, de passer à l'analyse, y compris en présence de Zorro (à qui il lit même un courrier écrit avec les tripes, pendant que son ennemi est occupé à bien autre chose). Reste Éric Elmosnino, pas mauvais dans le rôle d’un noble espagnol avide, Baltasar Espinach qui interprète un jeune gamin issu des couches les plus pauvres, adopté par la famille de la Vega, ou encore André Dussollier qui campe avec prestance le père de Diego. Il meurt très vite mais revient sous forme d'un esprit et prouve que de toute manière, il est capable de tout, absolument tout porter à l'écran. La série mêle action et humour, se concentre sur une romance problématique et sur les échecs intimes de Don Diego, qui n'est pas de taille pour endosser les habits de son père mais qui se rattrape la nuit venue, avec une cape et une épée. L’histoire explore davantage Don Diego que Zorro, débute par sa relation tumultueuse avec le père, les tensions avec l'épouse, et la vie professionnelle dans laquelle il peine à être pris au sérieux. Don Diego sans épaisseur, qui souffre, et peut se libérer en tant que Zorro, quitte à créer un double monstrueux, qui pourrait le phagocyter. La série est plaisante, c'est indéniable. Elle est truffée de touches d'humour qui font mouche, même si elle souffre aussi de quelques lenteurs (un film de deux heures aurait pu être un excellent choix, au final). Clairement, l'homme avait besoin de son double pour relever le plus grand des défis, devenir enfin quelqu'un, sortir de l'ombre d'un père encombrant, quitte à subir la concurrence du justicier masqué, jusque dans les affects sentimentaux. C'est là que Dujardin s'avère très bon. Hâbleur mais fragile, vantard mais conscient de ses limites, il incarne un Don Diego / Zorro vieillissant mais qui refuse de déposer les armes, un être humain loin d'être sans failles, mais qui a trouvé un équilibre fragile et dangereux pour advenir, apparaître comme la meilleure version de lui-même. Quitte à faire rire, quitte à cabotiner, ce Zorro est singulier et inattendu, bienvenu et pertinent à l'heure où tout est dérision, post-modernisme et révisionnisme héroïque. Mention assez bien, loin du naufrage redouté.



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