Survivre (de Frédéric Jardin)
Comment résister à la tentation de se plonger dans un film catastrophe à la française, tourné en un peu plus de vingt jours avec un budget modeste de 5 millions de dollars ? C’est exactement ce qui vous attend avec Survivre, où nous suivons Émilie Dequenne et sa petite famille : un mari océanographe, une fille, et un fils un peu à la ramasse, profitant de vacances idylliques au beau milieu de l’océan Atlantique. Seulement voilà, dans ce genre de récit, il y a toujours un événement pour venir gâcher le tableau.
Ici, le cataclysme est pour le moins inattendu : l’inversion des pôles magnétiques. Le film nous rappelle d’ailleurs que l’humanité a déjà traversé cinq extinctions massives… et voici la sixième, sous nos yeux ébahis et sous la caméra de Frédéric Jardin. Survivre monte alors en régime, abandonnant le portrait agaçant de la famille parfaite esquissé durant le premier quart d’heure pour plonger dans un survivalisme pur et dur, flirtant même avec le film d’horreur façon B-movie. Comme son titre ne l’indique pas, tout le monde ne va pas survivre. Entre un assassin dérangé qui suit la famille comme un chewing-gum collé sous une semelle et un peloton de crabes affamés prêts à déchiqueter tout ce qui passe à leur portée, le film ne manque pas de péripéties absurdes. Le véritable atout de Survivre réside dans son décor : la mer s’est retirée, elle a laissé place à un immense désert où les personnages évoluent. Ce vide à la fois oppressant et majestueux confère au film sa patine singulière. Pour le reste, Survivre assume son outrance : hémoglobine et terreur frôlent régulièrement le ridicule, tant les rebondissements et les artifices du suspense sont cousus de fil blanc et servis sans souci de vraisemblance. Mais peu importe : celui qui choisit de regarder ce film sait à quoi s’attendre. Il ne s’agit pas de chercher une explication scientifique à l’intrigue, mais simplement de s’immerger dans un pur produit du cinéma catastrophe, dans sa variante "menace écologique". Un thème aujourd’hui omniprésent, alors même que la société continue de regarder dans la mauvaise direction en criant au complot. Enfin, une note mélancolique vient teinter la réception du film, quand on le (re)voit quelques mois après sa sortie : Émilie Dequenne, qui incarne avec conviction son rôle et porte le film à bout de bras, est récemment décédée des suites d’un cancer. Une actrice talentueuse, sans doute trop sous-estimée du grand public, dont la prestation ici est à saluer – tout comme celle de Lisa Delamar, sa fille à l’écran, plutôt convaincante elle aussi. L'actrice (spoiler) parvient à survivre à l'inversion du champ magnétique des pôles et à une invasion de tourteaux affamés, mais c'est un autre genre de crabe qui a eu raison d'elle, dans la vraie vie. Fais chier, vraiment. En somme, Survivre est une farce catastrophique tellement bancale qu’elle en devient attachante, du début (enfin, presque) à la fin.
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