jeudi 27 mars 2025

DANS LA BOUE DES RESEAUX (A)SOCIAUX

Les réseaux (a)sociaux ont au moins une qualité indéniable : ils offrent un accès direct à l’esprit des individus qui les fréquentent. Ils permettent d’entrevoir leurs pensées, leurs actions et leur véritable nature lorsqu’ils ne sont pas sous le regard des autres. Jadis, pénétrer ainsi dans l’intimité d’autrui relevait d’une curiosité malsaine, voire illégale, susceptible d’attirer bien des ennuis. Comme le dit l’adage : une fois la porte close, nul ne sait ce qui se trame derrière – y compris dans les foyers les plus aimants et soudés en apparence.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, cette barrière a volé en éclats. Chacun a ressenti le besoin impérieux d’exister, ne serait-ce que le temps de 180 caractères sur une plateforme où règne bavant toute chose la haine. Cette mise à nu collective a conduit à la révélation brutale de la véritable nature des individus. Très vite, ils ont compris qu’ils pouvaient se montrer tels qu’ils sont réellement, sans craindre de subir de conséquences tangibles. Insulter son prochain est devenu la norme, la loi du plus fort s’est rétablie, et la course à l’audience récompense celui qui crie le plus fort ou qui rédige la phrase la plus ignoble. Dans le pire des cas, l'animal sera banni quelques heures ou quelques jours, les plus malchanceux devront créer un autre profil. Naturellement, tout cela se fait sous couvert d’anonymat, bien à l’abri derrière un pseudonyme. Assumer publiquement des propos orduriers sous son véritable nom est une chose ; se lâcher sous le vernis d’un Bebert02 ou d’un PetitPanda75 en est une autre. Loin de rapprocher les individus, les réseaux sociaux permettent à chacun de s’élever sur un piédestal, non pour dialoguer, mais pour imposer ses idées, les ériger en dogme et écraser toute opposition. C’est probablement pour cette raison que les néolibéraux décomplexés, l’extrême droite et le post-fascisme modernes y ont vu une opportunité inédite : après tout, leur stratégie repose depuis longtemps sur l’imposition brutale d’une vision du monde où les coups de tatane pleuvent sur les plus faibles. Mais à l’autre extrémité du spectre, les "chevaliers blancs" autoproclamés de la vertu absolue ont également compris le potentiel de ces plateformes. Elles leur permettent de détruire des réputations et de traîner des individus dans la boue sur la base d’un simple soupçon ou d’une rancune personnelle. La justice s’y rend désormais sur la place publique, dans les tribunaux d’Internet, où juges et jurés partagent une même ignorance du fond des affaires et une incompétence notoire pour en juger. C'est ainsi que les réseaux sociaux sont devenus un cloaque, un immense terrain vague jonché d’immondices, où chacun joue un rôle derrière un masque en espérant ne jamais être démasqué. Insultes, accusations infamantes, jugements arbitraires : selon l’humeur du moment et l’imbécilité ou l'insensibilité de la foule, vous pouvez être traité d’antisémite, de woke, de fasciste, de pédophile, d'islamogauchioste (essayez de former, sur ce modèle, le terme sionodroitard, vous réaliserez que c'est actuellement la seule limite des réseaux sociaux, et cela doit interroger) ou d’analphabète. Il faut une sacrée dose de patience pour y survivre… ou bien une envie irrépressible de se jeter dans la mêlée, d’humilier des inconnus à distance pour le simple frisson de quelques "likes" glanés derrière un écran. Inutile de mentir, on a tous mangé de ce pain là, à un moment donné, par gourmandise ou par ennui. Quelques miettes pour certains, la baguette complète pour beaucoup d'autres. Réseau social, tu perds ton sang froid



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